Salut cher frère et chère sœur, (et à tous ceux qui ont pensé à nous)
Je profite d’un moment de calme pour écrire et dire combien j’ai apprécié vos appels au Liban. Tout le monde dans la Beit Malaeb aussi. C’est une connexion avec le monde en santé, où on peut vivre en paix et faire des projets d’avenir pour nos enfants et être heureux sans se poser des questions de vie ou de mort violente.
Ou bien, dans cette pluie de haine, sentir la force de l’affection et du bien, douloureusement et injustement faibles face au mal. Garder la force d’avoir courage et d’en donner aux autres et à ses enfants, apprendre à ne pas avoir peur, sans y réussir vraiment, et à reconnaître ce qui est grave et quasi irréparable, à rester calme et positif et à reconnaître et jouir de ce que l’on a.
Cette expérience nous a rapprochés du Liban blessé déjà meurtri qui était redevenu si beau, vivant et en train de travailler très fort à oublier la guerre passée. Les vieilles tantes d’Imad qui ont tout vu et qui me disent «que pensez-vous de cette guerre!», avec le sourire, mais les yeux tristes. La vie continue et c’est fort. Et ils revendiquent le droit de vivre en paix.
Encore faut-il que quelqu’un les écoute. Ça, c’est le plus désolant. C’est pour ça que, quand vous avez appelé, c’était un baume. Soudain, nos racines comptaient. Ça donnait un peu l’impression qu’on était en contact avec le monde extérieur. Et pour eux aussi par ricochet.
Dès que les bombardements israéliens ont commencé, le ciel est devenu gris et étrangement brumeux. Certaines nuits, on ne voyait rien, ni les villes voisinent, car il n’y avait pas d’électricité et on avait un peu l’impression d’un manteau protecteur qui nous cachait des avions. En même temps, il y avait la crainte qu’une bombe se perde sous prétexte qu’on n’y voyait rien de là-haut…