Lettre à Mamdouh Shoukri, président de l’Université York

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Publié 16/12/2008 par Thierry Drapeau

Monsieur Shoukri, nous sommes collègues. Nous travaillons chacun au sein de la même institution universitaire. Vous êtes président de l’Université York, et moi, un peu plus bas dans la hiérarchie académique, assistant d’enseignement et étudiant au doctorat. Je suis donc, tout comme vous, un salarié de l’Université York, un employé du secteur public pour ainsi dire, ayant à cœur la qualité de l’éducation au sein de cette institution. De collègue à collègue donc, laissez-moi vous évoquer l’attitude que votre administration a adoptée depuis le début de ce conflit de travail, et ainsi que la vraie nature de nos demandes.

Depuis le début de cette grève, la stratégie de votre administration est claire, pour ne pas dire honteuse. Cette stratégie ne consiste en rien à négocier sérieusement avec nos représentants syndicaux, mais plutôt à tenter de briser l’unité de notre syndicat par une campagne de salissage qui vise explicitement à ternir notre image dans l’opinion publique torontoise, particulièrement celle des étudiant(e)s de notre université. Cette stratégie s’est opérée via vos communiqués de presse et les propos de votre porte-parole, Alex Bilyck, qui n’ont cessé de propager des messages mensongers et méprisants à la population.

Par exemple: dans votre communiqué de presse daté du 29 novembre, votre administration stipule faussement sur le fait que nous avons plus de 120 demandes à satisfaire. S’il est complètement fallacieux, je dois dire que ce calcul vous sert néanmoins très bien: il nous fait passer pour des gens déraisonnables qui manquent de sérieux.

Or, votre administration sait très bien, Monsieur Shoukri, que notre syndicat, en répondant explicitement à vos propres exigences établies à la table de négociation, a fait un effort remarquable depuis les dernières semaines pour abaisser nos demandes d’une manière substantielle. Nous avons fait cela dans le but précis de rendre les négociations plus efficaces, de manière à ce qu’elles focalisent sur les priorités qui nous tiennent le plus à cœur. En fait, Monsieur Shoukri, notre cadre financier est maintenant composé de seulement 11 priorités, dont les plus importantes sont:
• la sécurité d’emploi pour les professeur(e)s contractuel(le)s qui ont 10 ans ou plus d’expérience;
• l’indexation de nos fonds ajustée proportionnellement à la croissance du nombre de nos membres;
• l’augmentation du remboursement d’une partie des frais de scolarité (régime forfaitaire) pour l’étudiant de deuxième ou de troisième cycle qui a atteint le total des crédits à payer prévus à son programme d’études sans toutefois l’avoir terminé;
• une augmentation salariale de l’ordre de 4 % (ou proportionnelle au coût de la vie) par année, pour deux ans.

Mais, au-delà de leur aspect purement technique et quantitatif, Monsieur Shoukri, je dois vous rappelez que ce que nos demandes visent ultimement, c’est l’amélioration de la qualité de l’éducation à l’Université York. Prenons, par exemple, la sécurité d’emploi pour nos professeur(e)s contractuel(le)s.

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En acquiesçant à cette demande, vous permettriez à ces professeur(e)s d’obtenir des conditions de travail stables dans lesquelles ils et elles pourront davantage se concentrer sur la préparation de leurs cours plutôt que de travailler à renouveler leur contrat de travail session après session, et ce même pour des cours qu’ils et elles enseignent depuis plus de 10 ans.

Comme vous le savez, Monsieur Shoukri, il est maintenant coutume pour nos professeur(e)s contractuel(le)s de savoir à la dernière minute quels cours ils et elles enseigneront pour la session à venir. Et dans cette courte période stressante où ils et elles doivent préparer leurs cours le plus rapidement possible, ces professeur(e)s ne sont même pas payés. De plus, ce serait aussi leur donner un bureau de travail où ils et elles pourront rencontrer leurs étudiant(e)s convenablement et, surtout, avec dignité. Bref, accorder la sécurité d’emploi à nos professeur(e)s contractuel(le)s, c’est leur donner les moyens d’enseigner à la hauteur de leurs talents.

Voilà donc évoqué, Monsieur Shoukri, ce qui constitue le cœur des demandes des professeurs contractuel(le)s, assistant(e)s d’enseignement, et assistant(e)s de recherche en grève à notre université. Et contrairement à ce que votre administration n’a cessé d’affirmer publiquement, je crois sincèrement que, au contraire, la réduction du cadre de nos demandes que nous avons faite depuis déjà quelques semaines est l’illustration de notre sérieux, de notre profonde motivation à mettre fin à ce conflit de travail, et de notre désir de retourner travailler et étudier le plus tôt possible.

Enfin, Monsieur Shoukri, je vous invite fortement à faire cesser le mépris que votre administration témoigne à notre égard depuis le début de cette grève. En nous méprisant comme vous le faite, vous adoptez une position de rupture vis-à-vis ce qui constitue 50 % du corps enseignant à notre université, brisant ainsi un certain pacte de confiance et de collégialité qui existe depuis longtemps dans l’éducation universitaire entre professeur(e)s, étudiant(e)s, et administration.

Sincèrement, Monsieur Shoukri, à un moment où notre université s’apprête à fêter ses 50 ans, je ne sais pas qu’elles seront les répercussions de l’attitude de votre administration sur nos membres à la fin de ce conflit. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est que votre mépris s’est transformé en un facteur de motivation supplémentaire pour tout le monde sur les lignes de piquetage. En fait, plutôt que de briser l’unité de notre syndicat, votre mépris a contribué à la solidifier.

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Monsieur Shoukri, en qualité de collègue donc, je demande à votre administration de cesser de mettre ses énergies à nous diminuer. Je lui demande qu’elle se décroise les bras et qu’elle pense aux 50 000 étudiant(e)s qui sont toujours dans l’impatience de revenir en classe. Et je lui demande qu’elle négocie avec sérieux, respect et diligence. Après tout, nous voulons tous la même chose: améliorer la qualité de l’éducation à l’Université York.

Mettons fin à cette grève ensemble!

– Thierry Drapeau
Assistant d’enseignement en grève à l’Université York

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