Les vrais cadeaux du Petit Jésus

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Publié 18/12/2007 par Noël Paskal

(Conte oral, à lire à voix haute pour conserver les sonorités de l’araméen*)

– On va s’arrêter là, dit Joseph. Chu tassé tanné de faire avancer ton bourricot. Descends, Marie, tu dois êtes pas mal brûlée.
– Oui, chkroiben ksé pour ste nuite.

Elle était prête à accoucher et toutes les auberges affichaient «complet». Pis même si yavaitu de la place, euzautes, zavaient pas une piasse.

Un berger kétéla leur offre son étable. Létait pas ben prop, l’étabe et a sentait ben la vache. Mais vlà qu’arrive un mage. C’est Melchior. Il renifle et il dit, avec son accent du sud:
– Ji oun pitit kado.

Et il secoue un encensouair qui fait ben de la fumée. Le berger l’est pas tranquille :
– Tu vas pas mette le feu !
– Inquièti-toi pas, kidi Melchior. Ji désinfecte. Dieu est tavè nous.
– Tu vas faire tousser le Ptit !
– Tiens! dit Melchior à Joseph, 
Ji t’ai apporté aussi une boîte de cigares pour fêter l’heureuZvénement. Sédéavanes.

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Joseph, qui n’est pas encore saint, marmonne:
– Chfumpabokou. Pis chuipalpère. Chuikoku.

Melchior, répond tout bas :
– Yapakatwa queue saharive.

Pendant ce temps-là, Marie met le Ptit au monde.

Joseph dit :
– Vlà lePtit qui tousse, c’est la 
fumée. Pis ibraille! Il a faim.
– Ptikitousse a faim. Pas de problème, dit le mage, et il fait un signe magique. Il met deux sous dans tête du bourricot qui commence à faire des crottes en chocolat, auléhéozamandes!

Le Ptit s’émerveille. Il adore ça. Et voilà qu’arrive un autre mage, Balthazar ! Il veut faire un bal, Balthazar; organiser un party pour fêter la naissance. Il accroche partout des guirlandes, qui sortent de son chapeau, et des étoiles magiques qui viennent au bout de ses doigts quand il les fait claquer. C’est la fête!

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Le berger joue de la flûte. Joseph se met à scier un tronc d’arbre pour faire une bûche de Noël. Il est si heureux de montrer son art qu’il fait scier tout le monde.

Balthazar a apporté de la myrrhe, pour une tisane à Ptikitousse. Mais lui, il dit qu’il aimerait mieux des sucres d’orge.

Balthasar en fait des kilos, tout de suite pisqu’il est mage. Il dit en arabe classique :
– Sussmoissa!
– Oksébon, lui répond Jésus, qui est de plus en plus émerveillé!

Pis vlà un grand nuage de poussière qu’arrive du désert. C’est un attelage de gazelles qui tire un traîneau sur le sable. «Elles gazent, elles!» dit Balthasar pour mettre de l’ambiance.
– Regardez! C’est Gaspard avec des sacs d’or.  Et l’autre  Devinez qui c’est!
– C’est le Père Noël!

Jésus saute de joie dans son berceau (la mangeoire à la vache).

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Gaspard explique que rien que de l’or, ça n’aurait pas eu de sens dans le contexte. Il a donc donné plein de ses piasses au Père Noël, qui est allé acheter des cadeaux au pôle Nord.

Et icelui extrait de sa hotte d’abord des cadeaux utiles. Il énumère, dans sa barbe toujours pas rasée, en écorchant les syllabes à cause de la vieillesse et la fatigue du voyage:
– Vlà du lécondensé, dététinettes en cou-d’chou neuf, un biberon écololo, de lominable , des couches bienlogiques…

Mais lePtit s’impatiente et dit qu’il voudrait des jouets.

Le Père Noël vide toute sa 
hotte. Le Petit n’en croit pas ses yeux. 

Il dit tout haut:
– Des patins de OK! Des grosses ballounes! Des petits skis! Pis une catin en chiffon, qui s’appelle «Barbie». Pis un livre de magie, en arabe: «Koman fairdémirak»: changer de l’eau en vin, marcher sur un lac, ressusciter des morts et plein de trucs comme ça, pour amuser le monde. Youpi!

Le Petit est vraiment heureux comme un roi mage, avec tous ses cadeaux de Noël! Et il câline la poupée, la câline et recâline. Joseph – son «pèrképasonpère», comme dit sa mère restée pure – lui, n’aime pas ces câlineries et dit qu’il faut trouver un autre nom à ste poupée: «Barbie» fait trop américain.

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Le Petit a une idée prémonitoire et géniale. Il dit qu’il faut l’appeler:
– Marie-Madeleine!
– Pas bête, dit Marie, qui rit sous cape. Et elle se met à broder la layette de son fils, au point de croix.

Lui recommence à brailler. Il devrait être content pourtant avec tous ses cadeaux. Mais ptêt’qu’il a un pressentiment que la vie ne sera pas toujours rose, ou ben il a envie de pipi.
– Ah! s’exclame Marie, ce môme est un calvaire!
Jésus stu.

Et il fit un si beau sourire à Marie qu’elle dit:
– Allons, ça aura été tout de même un benbo Noël!

* Ce texte, écrit à l’origine en araméen et en arabe classique, a été traduit tant bien que mal en hébreu de Palestine, par une arrière-arrière-grand-grand-mère de Noël Paskal. Lui, à son tour, l’a transcrit dans son français approximatif, lorsqu’il a émigré récemment à Toronto. Il l’a donné à l’un de nos chroniqueurs.

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