Les terribles leçons de Katrina

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Publié 06/10/2015 par Isabelle Burgun (Agence Science-Presse)

Le passage de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, fin août 2005, a été dévastateur: 1 800 morts, plus de 500 000 déplacés et des millions de dégâts matériels, dont 300 000 maisons détruites. Dix ans après, il reste beaucoup à prodiguer pour panser les plaies et les douleurs.

Rosemary Reilly, directrice du programme gradué des Systèmes humains d’intervention de l’Université Concordia, spécialiste de l’impact des traumas sur les communautés évoque les décevantes leçons de Katrina.

Selon vous, qu’avons-nous appris de l’ouragan Katrina?

La gestion de ce drame et les efforts de reconstruction qui ont suivi n’auraient pas dû se passer ainsi. Il y avait en effet une grande différence dans l’aide nécessaire à la communauté et fournie par les diverses instances impliquées.

Cette tragédie naturelle, comme les terribles incendies survenus en Australie ou le tremblement de terre de Nouvelle-Zélande, a aussi mis en évidence les problèmes de design et d’entretien des maisons, la pauvreté de la population qui rendait les choses plus complexes, mais également l’incroyable esprit de communauté qui s’éveille lorsque ce genre de drames survient.

Vous avez visité la Nouvelle-Orléans, un an après les évènements. Qu’avez-vous constaté?

Les gens souffraient encore des conséquences de ce drame. C’était poignant. Il faut dire qu’alors les choses n’avaient pas beaucoup avancé: il y avait encore des milliers de personnes en attente de logement, de nourriture et d’aide dans le Superdôme et dans les hôpitaux.

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C’est pour cette raison qu’avec une de mes collègues nous avons décidé d’étudier l’impact des traumas sur les communautés qui vivent des catastrophes naturelles et leur capacité de résilience, particulièrement la capacité de croissance après trauma, comment ces communautés se reconstruisent après un tel drame.

Contrairement à nos attentes, certaines s’en sortent très bien et vont même mieux après qu’avant. Ce n’est pas le cas pour la Nouvelle-Orléans.

Après le drame, les plus pauvres de la communauté affrontent de nombreux défis. Quels sont-ils?

Les inondations les ont laissés sans maison, mais aussi très isolés. Moi, si je perds ma maison, j’ai des ressources et de la famille.

Les personnes déplacées ont quant à elles tout perdu: leur réseau familial et amical, leur moyen de subsistance et même des éléments culturels importants qui forgeaient leur identité.

À la Nouvelle-Orléans, on a assisté à la dislocation de certaines communautés dont les victimes sont parties à des centaines de kilomètres.

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Il aurait été nécessaire, pas seulement de les aider à se reloger, mais de le faire à proximité et de recomposer un voisinage, un cercle où ils auraient pu trouver un soutien et se reconnecter avec leur communauté d’avant.

Vous travaillez sur les évènements traumatiques. Quels parallèles faites-vous entre ces différents évènements?

Lors des fusillades, les gens ne font pas face au même stress que lors d’une catastrophe naturelle où les gens se sentiront déconnectés les uns des autres.

Lors d’une calamité comme Katrina, les gens perdront le sens du commun, ils sont dans la survie. Il y a cependant, certains traits communs et on peut voir sortir le meilleur du pire.

Lors de la fusillade du Collège Dawson, on a pu voir des gens devenir des héros – en ouvrant des portes pour aider les étudiants à s’échapper, par exemple – tout comme on a pu voir des actions héroïques lors du passage de l’ouragan Katrina.

Mais il semblerait qu’en regard de ce drame, les actions auraient pu être plus nombreuses. Sans compter que l’aide a été très modeste face aux immenses besoins.

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Un leader, au sein de la communauté noire, aurait aussi pu pour prendre les choses en mains et donner l’«input» local aux autorités en matière de relocalisation et de reconstruction.

Dix ans après, certains observateurs tentent de faire un bilan de Katrina, tel Malcolm Gladwell dans Starting Over-What Social Scientists Learned from Katrina, publié dans le New Yorker. Vous ne partagez pas son opinion que vous qualifiez de raciste, tout comme d’autres observateurs, pouvez-vous m’expliquer?

Je ne suis effectivement pas la seule à le penser. Vous pourriez aussi lire à ce sujet Dark Waters: Hurricane Katrina, the Politics of Disposability and the Racism of Malcolm Gladwell.

Quand Malcolm Gladwell soutient que le déplacement involontaire de 100 000 pauvres noirs américains est une bonne chose, car cette mobilité leur apporte des opportunités, je pense qu’il se trompe.

De nouveaux résidents viennent remplacer ceux qui vivaient depuis des générations. La croissance après trauma ou la résilience des victimes dépendra de la capacité à sauvegarder des vies, à rétablir les services essentiels, mais surtout à travailler collectivement à rebâtir la communauté.

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Ces relations constructives de voisinage redonneront aux membres de la communauté de la fierté, renforceront leur attachement à celle-ci et permettront aux victimes de traverser cette épreuve dramatique, ensemble.

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