Les parapluies de Cannes

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Publié 04/06/2013 par Jacqueline Brodie

Soirées annulées, mythique tapis rouge réduit à l’état d’éponge… Il pleuvait sur Cannes… Forêt de parapluies sur la Croisette; s’y frayer un chemin sans se faire éborgner relevait de l’exploit. Vent furieux, d’azur point! Et pourtant?

Fallait-il qu’elle soit captivante cette 66e édition du Festival pour que le quidam — festivalier, élément singulier d’une horde ruisselante sous l’assaut des trombes d’eau, pataugeant dans les flaques, éternuant, pestant, garde le moral jusqu’à la 24e heure? Juste récompense de son stoïcisme, la plupart de ses favoris figurent au palmarès.

Merci Monsieur le Président

Sous la houlette de Monsieur E.T. Steven Spielberg, un jury éclairé, généreux, en phase avec la critique, ouvert et sensible à toutes formes et toutes tendances, a récompensé des films aussi diversifiés que remarquables. Comment ne pas succomber à l’irrésistible roman d’amour de La Vie d’Adèle — Chapitre 1 & 2 du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche.

Histoire de la rencontre de deux jeunes femmes, de leur amour passionné, de son naufrage. Peinture de différences sociales aussi, en filigrane. Film d’une immense beauté dont les scènes érotiques explicites expriment l’amour éperdu, total.

Palmarès équitable

Pas de controverse non plus pour le Grand Prix attribué Inside Llewyn Davis des frères Ethan et Joel Coen. Avec leur humour décalé, les auteurs nous entraînent dans le sillage d’un chanteur de folk des années 60.

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Suivre les tribulations du héros, un jeune artiste qui a surtout l’art de perdre, même le chat de ses amis, est plutôt réjouissant.

Tout autre registre et trait commun entre Heli, Prix de la mise en scène attribué au Mexicain Amat Escalante et A Touch of Sin du Chinois Jia Zhangke, lauréat du Prix du scénario: la dégradation de leur société respective entrainant violence et désespoir.

Deux portraits: Mexique et Chine moderne, parallèle effrayant. Très personnel, Tel Père, Tel Fils du Japonais Kore-Eda Irokazu, Prix du jury, traite avec sensibilité de la paternité. Est-ce le lien du sang qui la crée?

Belle histoire mettant en scène deux familles dont les bébés ont été échangés à leur naissance. Peut-on effacer le passé? Complexité des sentiments.

Dissection des liens qui unissent les êtres, passé et présent. Tel est le thème du film Le Passé de l’Iranien Asghar Farhadi, magnifiquement interprété par Bérénice Bejo, qui s’est mérité le Prix d’interprétation féminine.

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Quant au Prix d’interprétation masculine, c’est à Bruce Dern qu’il est allé pour son jeu magistral dans Nebraska, le «road movie» de l’Américain Alexander Payne. Tout en noir et blanc, minimaliste, le film peint de l’Amérique profonde un tableau pathétique et drôle, admirable de sobriété et de tendresse.

Ô Canada, passé et présent

Il était programmé dans Cannes Classics, section créée afin de rendre hommage aux grandes oeuvres classiques et méconnues en les projetant en parallèle à la Sélection.

On eut donc le bonheur de revoir ou de découvrir, voisinant avec Plein Soleil de René Clément et une douzaine d’autres trésors d’archives du 7e art, le long métrage canadien The Apprenticeship of Duddy Kravitz du réalisateur torontois Ted Kotcheff (1974). Moment émouvant en présence du réalisateur et de Richard Dreyfus (Duddy Kravitz).

Présent: Sébastien Pilote: son premier long métrage, Le Vendeur, fut invité au Festival de Sundance. Son second Le Démantèlement, sélectionné dans la prestigieuse section cannoise La Semaine de la critique, a été couronné par le Prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.

Récompense méritée pour cette oeuvre infiniment émouvante qui dépeint la tragédie de la dépossession. Succès commercial aussi. À la clôture du Festival, le film était déjà vendu dans quatre territoires.

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Salué par une longue ovation lors de sa présentation à Cannes, le film de Chloé Robichaud Sarah préfère la course, n’a cependant pas remporté la Caméra d’Or, prix attribué à un premier long métrage en sélection toutes sections confondues. Mais son interprète Sophie Desmarais, qui joue également dans le film de Sébastien Pilote, a été très remarquée. «… petite belette adorable… », écrivait, conquis, le critique du peu tendre quotidien français Libération dans son poétique éloge de la jeune actrice québécoise.

Avec 360 participants au Marché du film, 200 compagnies inscrites, le pavillon canadien débordant d’initiatives avec les programmes Perspectives Canada et Talent tout court, il n’est pas téméraire d’avancer que notre cinéma se porte plutôt bien, merci.

Jacqueline Brodie était à Cannes en tant que correspondante de L’Express

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