Les nombreux registres de Michel Lord

Michel Lord, Sortie 182 pour Trois-Rivières
Michel Lord, Sortie 182 pour Trois-Rivières, Récits de disparitions, catastrophes et milles merveilles, Éditions de la Grenouillère, collection Vécu, 2020, 200 pages, 28,95 $.
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Publié 22/11/2020 par Paul-François Sylvestre

Spécialiste de science-fiction et de récits brefs, professeur émérite de l’Université de Toronto, Michel Lord se raconte avec brio dans Sortie 182 pour Trois-Rivières. On le suit depuis sa naissance en 1949 jusqu’à quelques années après son mariage de même sexe en 2006.

Né à Trois-Rivières mais élevé à Cap-de-la-Madeleine, donc un «Capon», Michel Lord grandit dans un milieu pauvre, ce qui ne l’empêche pas de se considérer riche de toutes ses lectures et de son éducation musicale en grande partie autodidacte.

Mélomane

L’auteur perd la foi à 17 ans, «jetant aux orties toutes ces superstitions et ces dogmes invraisemblables qui m’étouffaient horriblement». Mélomane, il sait faire la distinction entre la pratique religieuse vide de sens et la magnifique musique sacrée qui l’accompagne.

Son récit est émaillé de références littéraires qui démontrent une vaste culture. Il écrit, par exemple, «un empilement de tendresse, aurait dit Zola» ou «humain, plus humain, comme dit Nietzsche».

Dans une même page, il parle de «notre vieille langue, les misères hilareuses» (Chateaubriand) et d’un décor de Gervaise dans L’assommoir de Zola. Le parler madelinot lui rappelle Rabelais.

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Du Cap à la Ville Reine

Le chapitre sur sa mère est très touchant. Elle savait que son fils était en amour sans qu’il ne lui ait jamais révélé son orientation sexuelle. Le conjoint de Michel Lord est Donald McKenzie, bibliothécaire professionnel à Toronto Public Library, rencontré à Québec en 1974. Ils sont ensemble depuis environ 45 ans, mais il n’y a malheureusement pas de réflexion sur leur relation amoureuse.

McKenzie invite Lord à déménager dans la Ville Reine, où ce dernier terminera son bac au Collège Glendon en 1979. Il travaillera brièvement à la Librairie Champlain, «tenue par des Franco-Ontariens, les Arsenault, demeurés farouchement francophones, chose déjà remarquable à cette époque de grande assimilation».

Un chapitre s’intitule «Entre sanctuaire et cathédrale», référence à Cap-de-la Madeleine et à Trois-Rivières. Les deux mots religieux s’appliquent ironiquement au parcours de Lord. Il a vécu dans des sanctuaires gay & hippy, avec des amis inoubliables; il a aussi fréquenté des cathédrales du savoir. Il raconte comment il a toujours été «à l’affût de plaisirs et de paradis artificiels» durant ses deux années dans une commune.

Souverainiste

Ardent indépendantiste, Michel Lord est amèrement déçu de constater que le Québec ne soit pas encore un pays. Ayant travaillé la plus grande partie de sa vie en Ontario (U of T), mais n’étant pas Franco-Ontarien de souche, il observe le monde littéraire de l’Ontario français «avec une certaine distance» et «avec énormément de sympathie». Il raconte brièvement sa collaboration avec le regretté Robert Yergeau.

Je trouve étrange que l’auteur ait passé sous silence sa charge académique à l’Université de Toronto, dont il est pourtant un professeur émérite. On apprend seulement qu’il est directeur adjoint de la revue University of Toronto Quarterly, et responsable de l’édition en langue française.

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40 chapitres

Le sous-titre de Sortie 182 pour Trois-Rivières est Récits de disparitions, catastrophes et milles merveilles. On y trouve 40 chapitres assez courts, très souvent inspirés par une amitié, parfois par le caractère d’un grand-parent ou d’un collaborateur littéraire. Il y en a même un qui raconte comment son premier ami d’adolescence s’est révélé être le pire des homophobes.

Cet ouvrage autobiographique renferme plusieurs registres. Il y a le vécu familial, la vie estudiantine, le milieu littéraire québécois et les amitiés remarquables. Je dirais que c’est savoureusement décousu.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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