Les jeunes devront protéger le Canada des guerres culturelles

Le défi des ambassadeurs du Français pour l’avenir

John Ralston Saul devant les jeunes ambassadeurs du Français pour l'avenir (avec la directrice générale Pier-Nadeige Jutras) le 24 août à UofT.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 30/08/2016 par François Bergeron

«Le Canada a été construit par les Autochtones, les Français, les Anglais et par… les erreurs des gouvernements étrangers.»

En effet, ces «erreurs» (guerres, dictatures, famines) ont provoqué chaque fois des vagues d’immigration vers le Canada: des Ukrainiens fuyant Staline aux réfugiés syriens d’aujourd’hui, en passant par les Hongrois et les Vietnamiens…

C’est ce que le philosophe John Ralston Saul a expliqué à la cohorte 2016 des 25 jeunes «ambassadeurs» du Français pour l’avenir, réunis toute la semaine dernière à Toronto pour leur forum annuel.

Fondateur, avec l’ex-journaliste Lisa Balfour Bowen, de cet organisme de promotion du bilinguisme auprès des jeunes de toutes les régions du pays, John Ralston Saul suit encore ses activités, aujourd’hui coordonnées par un conseil d’administration présidé par Micheline Dubé et un personnel dirigé par Pier-Nadeige Jutras.

Spécialiste de l’histoire du Canada, selon lui beaucoup plus influencée qu’on ne l’imagine par la culture des Premières Nations, et champion du partenariat Lafontaine-Baldwin de 1841, il a exhorté les jeunes ambassadeurs à continuer de parler français de retour dans leur province, «même si ça ne semble pas naturel ou que ça dérange».

Publicité

John Ralston Saul devant les jeunes ambassadeurs du Français pour l'avenir le 24 août à UofT.

Le bilinguisme ne pourra continuer de progresser au pays, dit-il, que s’il s’aventure à l’extérieur du contexte scolaire.

Il blâme d’ailleurs un système scolaire «du 19e siècle», qui limite le nombre et la formation d’enseignants de français, pour des «limites artificielles» imposées au bilinguisme au Canada anglais. «Il faut casser ces blocages», dit-il.

10% des jeunes Ontariens sont inscrits en immersion française et environ le tiers de la population canadienne parle aujourd’hui français (francophones et francophiles). C’est encore trop peu, mais cela représente tout de même un progrès par rapport à il y a 50 ans, assure-t-il.

Le romancier et essayiste estime aussi que les Canadiens peuvent se féliciter – mais il touche du bois – d’être le seul peuple occidental à ne pas se déchirer aujourd’hui sur des questions identitaires, raciales et culturelles, comme celles qui secouent l’Europe (terrorisme, réfugiés, Brexit, Burkini) et les États-Unis (Black Lives Matter, Trump).

Publicité

Il souhaite que nous demeurions, dans ce domaine, un cas «isolé» ou une «curiosité», qu’il explique par le fait que le multiculturalisme est largement perçu au Canada comme une force, pas comme une menace: «nous sommes fiers de nos différences», nous sommes «un pays de minorités» où chacun a le droit d’avoir «plusieurs personnalités ou nationalités».

Ces turbulences chez nos voisins et alliés représentent toutefois des défis importants, «le moment le plus difficile en Occident depuis la Deuxième Guerre mondiale», pour la nouvelle génération de Canadiens. Il en avait devant lui un échantillon impressionnant, avec des noms de famille comme Boudreau, Déquier, Lynds, Torun, Ruiz, Beairsto, Zaher, Mirabolghassem, Bizimungu…

En plus de jeux et d’ateliers de formation en leadership, ces jeunes ont également visité les studios de CBC/Radio-Canada et discuté avec des journalistes, visionné le film québécois C.R.A.Z.Y. à l’Alliance française, rencontré des représentants des commissariats aux langues officielles du Canada et aux services en français de l’Ontario, ainsi que le directeur du Native Canadian Centre de Toronto.

Par ailleurs, le Français pour l’avenir, qui va célébrer son 20e anniversaire en 2017, organise son 12e concours national de rédaction, permettant de gagner plus de 200 000 $ en bourses d’études universitaires. Le thème de cette année: «En t’adressant à ton futur toi, écris une lettre de 750 mots, en français, que tu liras dans 10 ans et qui contient les mots: passion, rêve(s), bilingue, français, se dépasser, accomplir et futur.» L’ex-astronaute Chris Hadfield est membre du jury. Date limite: 16 décembre 2016.

John Ralston Saul devant les jeunes ambassadeurs du Français pour l'avenir le 24 août à UofT.
John Ralston Saul devant les jeunes ambassadeurs du Français pour l’avenir le 24 août à UofT.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur