Les immigrants n’ont pas à rejeter leur culture

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 12/09/2006 par Giordano Black

C’est un cliché: le Canada est un pays d’immigrants. Mais les clichés sont rarement utiles. Les réalités qu’ils prétendent décrire sont toujours très partielles.

J’avoue que François Bergeron («Immigration: au-delà du cliché» publiée dansle Forum de L’Express du 29 août) a raison en disant que les immigrants doivent apprendre comment agir dans une société démocratique et à la libre parole. Ils doivent accepter que les gens ont le droit de dire et penser ce qu’ils veulent, et ils doivent l’accepter même si ils ne sont pas d’accord. Mais, dans sa lettre, il démontre une attitude, d’après moi, assez commune chez les Canadiens-Français: l’isolationnisme.

C’est, je pense, le résultat de siècles d’isolation linguistique et du fait que la plupart des immigrants s’attachent à l’anglophonie. C’est le produit d’une société trop homogénéisée, une société qui n’a jamais dû se mettre en contact avec des personnes différentes, les accepter.

Moi, je suis fils d’une mère immigrante italienne et d’un père Anglo-Québécois. Je fais partie de la majorité canadienne, mais je comprends aussi ce que c’est de faire partie d’une minorité (être anglophone au Québec, c’est assez difficile) et d’être immigrant. En tant que Montréalais, Québécois, et Canadien je sais aussi ce que c’est d’être fier de sa ville, de sa province, et de son pays.

Peut-être que ça vous surprend, mais je me sens Québécois, même si les Québécois ne m’acceptent pas comme confrère, même s’ils n’avouent pas encore que les anglophones ont des droits. En même temps, j’aide ma grand-mère à faire de la sauce aux tomates et mon grand-père à faire du vin, je vais à une école anglophone et je ne supporte pas le nationalisme francophone.

Publicité

Ce que M. Bergeron ne comprend pas, c’est que les immigrants n’ont pas à rejeter leur culture, mais simplement à être biculturels – à fonctionner dans une autre société. Il ne peut pas le comprendre, parce que son point de vue ne lui permet pas de le voir. Il ne voit pas qu’il est, après tout, un immigrant lui-même. Pourquoi n’accepte-t-il pas les modes de vie amérindiens? Ses ancêtres, il faut s’en rappeler, n’ont pas commencé à vivre dans des wigwams dès qu’ils sont arrivés en Nouvelle-France.

Certes, le Canada n’est pas une organisation charitable. Nous laissons entrer des immigrants pour effectuer des travaux que nous n’aimons pas faire à des salaires qui ne nous sont pas acceptables. C’est la réalité, franche et laide comme elle est. Mais, si M. Bergeron a le droit de porter les pantalons, M. Singh devrait avoir le droit de porter son turban. Cela m’amène à mon dernier point.

J’aimerais informer M. Bergeron que les Sikhs, qui portent le turban, ne sont pas des terroristes, ni même des musulmans (donc pas vulnérables au lavage du cerveau des radicaux islamo-fascistes). Il montre son ignorance encore en suggérant que le kirpan est dangereux, quand ce n’est rien de plus qu’une décoration religieuse (comme la croix sur mon collier). Je pense qu’il y a beaucoup de Canadiens qui n’aiment pas le hockey, la poutine, et Beau Dommage. C’est leur droit.

Le Canada appartient à tous, que cela soit les francophones, les anglophones, les Amérindiens, les Italiens, les Grecs, les Juifs, les Arabes, les Hispanophones, et encore d’autre groupes ethniques pas encore arrivés. Ils apprécient tous le Canada. C’est le temps pour M. Bergeron et les francophones isolationnistes de son genre de s’ouvrir les yeux, eux aussi.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur