Les futurs Prix du Canada en arts et créativité: c’est mal parti!

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Publié 24/02/2009 par Jean-Thérèse Riley

Le budget fédéral du 27 janvier contenait une surprise tout à fait inattendue; un fonds de 25 millions $ pour financer la création des Prix du Canada en arts et créativité. Il s’agit de prix internationaux pour des artistes émergents dans le domaine de la musique, du théâtre, de la danse et des arts visuels. Des jurys prestigieux choisiront les lauréats et le tout aura le genre de profil et de visibilité internationale qu’on associe aux Prix Nobel.

Le spectacle de la remise des prix aura lieu à Toronto annuellement. L’organisation des prix sera le fruit d’une société à but non lucratif autonome mais associée au Festival Luminato de Toronto. Depuis 2 ans, Luminato présente une série d’événements et de spectacles artistiques accompagnée d’un blitz publicitaire digne de Hollywood. Plus d’un million de spectateurs y participent.

Consternation. Le projet des Prix suscite beaucoup de critiques. Encore de la controverse. Jour après jour, les milieux culturels expriment leur désarroi devant le projet. Les critiques les plus explicites viennent du Québec. Au Canada anglais, les réactions sont plus mitigées. Certains voient un nouvel exemple de Québécois insatisfaits. Peter Oundjian, le chef bien-aimé de l’Orchestre Symphonique de Toronto, se prononce: «Je ne peux pas imaginer un autre pays où une telle annonce serait accueillie de façon si négative.»

Pour se réconcilier avec les milieux culturels

C’était une belle intention de rassurer les inquiets et les critiques en investissant des sommes importantes dans le domaine de la culture. Le budget devait répondre à des considérations non seulement économiques mais politiques. Il devait repositionner l’équipe Harper dans l’esprit des Canadiens.

Quant au dossier de la culture, le nouveau ministre du Patrimoine, James Moore, avait montré charme, ouverture et une grande qualité d’écoute au cours de multiples rencontres avec divers intervenants du monde artistique à travers le pays. Depuis la nomination de ce jeunot (33 ans), le gouvernement semblait vouloir tourner la page et rétablir une relation de confiance avec la communauté artistique qui avait si mal accueilli sa décision d’annuler les programmes de tournées d’artistes canadiens à l’étranger.

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Pour comprendre les critiques, il faut d’abord apprécier l’impact sérieux des coupures de 45 millions $ annoncées au mois d’août. La Conférence internationale des arts de la scène estime que 3 400 spectacles conçus par des artistes canadiens devront être annulés à l’étranger au cours des trois prochaines années.

Christine St Pierre, ministre de la Culture du Québec, explique la nécessité d’un programme de tournées: «Il faut que nos artistes aillent travailler à l’étranger tout simplement parce que les marchés québécois et canadiens sont trop petits; et ce sont nos meilleurs ambassadeurs.»

La situation des artistes au Canada est certainement précaire. Une étude de la firme Hill Strategies affirme récemment que, selon le recensement de 2006, le nombre et le pourcentage d’artistes canadiens qui vivent sous le seuil de pauvreté augmente gravement.

Improvisation

Quant aux Prix du Canada, ils n’existent pas encore sauf dans un document/ébauche et l’imagination audacieuse et fertile des messieurs David Pecaut et Tony Gagliano, les fondateurs de Luminato. Le Conseil des Arts du Canada n’a pas été consulté. Les partenaires nationaux qui seraient essentiels à la réussite du projet sont soit réticents à le supporter soit silencieux.

Les médias s’en mêlent. En éditorial, le Globe & Mail déplore la mesquinerie des critiques tandis que Le Devoir, Le SoleiletLe Droit expriment de sérieuses réserves devant la nature apparemment improvisée et plutôt ad hoc des Prix. Le langage des chroniqueurs à travers le pays est plus enflammé et en général plus négatif.

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Après le barrage de critiques, le ministre Moore prend ses distances et déclare devant le Parlement que les Prix du Canada ne sont pas son projet mais seulement une proposition qui vient de deux hommes d’affaires de Toronto.

Au Québec, on le sait, les coupures aux programmes des tournées ont été perçues comme un affront, une erreur politique de proportion majeure. Si le gouvernement cherchait à créer une nouvelle initiative qui mènerait à un consensus national et une nouvelle célébration des arts, pourquoi risquer la controverse quand le processus de développement de l’idée est clairement incomplet? Difficile de ne pas conclure qu’il s’agit d’une action ad hoc, improvisée. Quelle est la vision stratégique derrière cette décision? Comment reflète-t-elle la politique culturelle du gouvernement?

Au Québec, pour un parti politique ou un gouvernement, une politique culturelle cohérente est un sine qua non. Pour le reste du Canada, la politique culturelle, s’il y en a une, est un point mineur. Encore un écart. Encore une maladresse qui devient un malentendu. Dommage.

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