Les fêtes radieuses et la quête sérieuse de Claude Lavoie

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Publié 05/08/2008 par Paul-François Sylvestre

Pour la troisième année consécutive, le Prix littéraire international Altern’Art a été remis dans le cadre du Festival gai de Québec, le 15 mai dernier. Il a couronné Un homme aux Dieux, premier roman de Claude Lavoie. Sous-titré «L’odyssée d’un gay luron», cet ouvrage présente un mélange d’humour absurde et de délires sur fond de mythologie grecque et d’histoires coquines.

Le concours pour le Prix littéraire international Altern’Art s’adresse à tout auteur de la francophonie dont l’œuvre se démarque «par la pertinence du sujet, l’intelligence du traitement, la qualité de l’écriture et l’effet pressenti sur le lectorat». Les manuscrits soumis doivent avoir pris en compte de façon importante «certains aspects de la diversité sexuelle». Les précédents lauréats ont été Sylvain Larocque, de Montréal, pour Mariage gai (2006) et Francis Leplay, de Paris, pour Après le spectacle (2007).

Publié aux Éditions Point de fuite (Montréal), Un homme aux Dieux a tous les attributs autobiographiques puisque l’auteur nous invite «à partager ses névroses». Nous le suivons dans sa quête éperdue de l’autre, de l’amour et, surtout, dans sa recherche de la liberté première, celle de l’expression de soi.

Le roman se présente comme est road book qui aurait troqué les routes mythiques de James Dean ou de Jack Kerouac, pour les chemins tortueux de l’Olympe et ses méandres mythologiques, peuplés de dieux peu vertueux mais bien membrés. De Pâris à Priape, de Dionysos à Héraclès, le narrateur nous fait suivre son fil d’Ariane et nous fait plonger dans un labyrinthe déroutant où rêve et réalité, mythes et conscience, se mêlent et s’entremêlent devant nous, gais voyeurs.

Un homme aux Dieux est le premier roman de Claude Lavoie qui a choisi de dire et décrire la chosette sans jamais mâcher ses mots. Pour paraphraser Bossuet, on peut affirmer que tout ce qui enfle naturellement explose suavement et les mots pour le dire éjaculent gaiement. Je choisis une citation parmi plusieurs pour illustrer cet adage. Le narrateur, qui n’a pas encore terminé son école primaire, ne rêve que d’une chose: «Pâris m’empoignant virilement et m’amenant sur une île déserte […] pour planter sa flèche empoisonnée dans mon sol fertile en émotions. J’imaginais son drapeau en train de flotter au bout de mon mât, ses jambes foulant ma terre sainte, ses muscles de silicone étendus sur ma dune invitante…»

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Claude Lavoie n’écrit jamais le mot pénis. Il trouve ou invente une foule de synonymes: pain baguette, missile, hache de paix, produit intérieur brut, énorme bras canadien (dans le cas de Priape). À un moment donné, l’auteur ouvre une parenthèse pour nous signaler qu’il s’est fixé pour objectif d’employer autant de synonymes qu’il en existe pour le mot homosexuel. «Vous comprendrez toutefois que mon imagination a des limites», précise-t-il sans que cela soit évident, bien au contraire.

Le romancier aime aussi inventer des mots ou truquer des expressions. À titre d’exemples, il écrit: «je larguais les j’en ai marre… demander l’asile politique à l’Absurdistan… je le regardais droit dans les jeux… en perdre mon espagnol, que je parle aussi bien qu’une brebis afghane.»

Avec Un homme aux Dieux, Claude Lavoie choisit de nous ouvrir les portes de son existence d’homme gai. Il se livre en pâture et nous offre ses pensées en sacrifice. Résultat: nous suivons son voyage identitaire parsemé de points d’interrogation. Par delà les références mythologiques, les sarcasmes sur la vie gaie et les fantasmes sur l’onanisme, nous sommes guidés par une seule passion, celle de vivre pleinement en tant qu’être humain, aussi relatif que puisse être ce désir persistant.

Claude Lavoie, Un homme aux Dieux, roman, Montréal, Éditions Point de fuite, 2007, 172 pages, 21,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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