Les enfants autochtones sortis de leurs familles par milliers

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Publié 26/02/2013 par Heather Scoffield et Colin Perkel (La Presse Canadienne)

à 17h24 HNE, le 25 février 2013.

OTTAWA – Un sous-financement systématique des services d’aide à l’enfance sur les réserves autochtones signifie que les enfants y revivent le cauchemar des pensionnats qui a tant fait honte au Canada, soutient le chef national de l’Assemblée des Premières Nations.

Témoignant devant le Tribunal canadien des droits de la personne, lundi, Shawn Atleo a affirmé que plusieurs réserves ne disposaient pas des ressources nécessaires pour assurer la sécurité des enfants dans leur foyer en cas de crise. Ils sont alors transférés plutôt par milliers dans le réseau de la protection de la jeunesse, à l’extérieur du foyer familial.

Les enfants autochtones continuent donc d’être retirés de leur famille — et peut-être en plus grand nombre aujourd’hui qu’à l’époque des pensionnats, a déclaré M. Atleo lors de la première journée d’audiences du Tribunal des droits de la personne sur la question.

C’est un phénomène qui ressemble beaucoup à ce qui se passait pendant la période des pensionnats, a-t-il ajouté en entrevue.

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Bien qu’il soit impossible de déterminer le nombre exact d’enfants des Premières Nations transférés dans le réseau institutionnel, l’APN et des experts estiment qu’environ 27 000 enfants autochtones ont été retirés de leur famille immédiate.

Il s’agirait au moins du double d’enfants ayant été forcés de quitter la résidence familiale pour des pensionnats durant les années 40 et 50 — une période difficile qui continue de hanter les familles des Premières Nations.

Le Tribunal canadien des droits de la personne doit déterminer si le gouvernement fédéral a fait preuve de discrimination envers les enfants autochtones dans les services d’aide sociale.

Ces audiences font suite à une saga judiciaire qui dure depuis sept ans: l’APN a intenté en 2007 une poursuite contre Ottawa, plaidant que les services à l’enfance sur les réserves recevaient 22 pour cent de moins de fonds qu’ailleurs au pays, même si les besoins sont beaucoup plus grands.

Système de justice en crise

Par ailleurs, les Premières Nations de l’Ontario sont confrontées à un système de justice et à des jurys «en crise», une situation qui nécessite une intervention immédiate, selon un ancien juge de la Cour suprême chargé de faire la lumière sur ce dossier.

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Dans le rapport qu’il a déposé mardi, Frank Iacobucci a prévenu que cette problématique pourrait mettre à mal les relations entre les Premières Nations et les Allochtones.

Pour les fins de cette enquête, l’ex-magistrat a rencontré des leaders et des membres de 32 Premières Nations de l’Ontario. Ces Autochtones lui ont fourni en exemple «plusieurs incidents qu’ils considèrent symptomatiques de la manière dont le système judiciaire canadien manque à l’heure actuelle de répondre aux besoins des Premières Nations», peut-on lire dans le rapport de M. Iacobucci.

De fait, les chefs ontariens estiment que le système «nie les principes, traditions et coutumes juridiques des Premières Nations et, a fortiori, manque de les concilier avec les principes et les valeurs du droit canadien».

Selon les conclusions de Frank Iacobucci, le problème est particulièrement criant dans le nord de la province.

L’ancien juge dit avoir découvert dans ses recherches les indices d’une relation conflictuelle entre le système de justice et les idéologies propres aux membres des Premières Nations. Ceux-ci sont ainsi victimes de «discrimination systémique» devant la justice criminelle, les services à l’enfance et les tribunaux, a signalé M. Iacobucci.

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L’ex-juriste a reconnu que son mandat n’était pas d’étudier en long et en large le système judiciaire canadien ou les conditions socioéconomiques des Premières Nations, mais il a fait valoir qu’il serait absurde d’ignorer cette toile de fond.

«L’accès à la justice, à l’administration de la justice, à la disponibilité et à la qualité des services juridiques, le traitement réservé aux Premières Nations au sein du système de justice sont tous manquants dans le nord de l’Ontario», a-t-il déclaré à Thunder Bay, en Ontario.

Dans son rapport, il identifie 17 recommandations pour l’amélioration de la présence de membres des Premières Nations au sein des jurys et l’amélioration de la perception que ces membres ont des jurys.

Ils comprennent notamment la création d’un poste de sous-procureur général adjoint responsable des questions autochtones, et l’offre d’une formation culturelle à tous les responsables gouvernementaux oeuvrant au sein du système de justice et qui doivent échanger avec les peuples des Premières Nations.

«Ne rien faire serait profondément honteux, surtout que la population canadienne est consciente de l’histoire tragique des Autochtones», a estimé Frank Iacobucci.

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Le gouvernement ontarien avait demandé en 2011 à l’ex-magistrat d’examiner le processus et l’inclusion des membres des Premières Nations vivant en réserve dans la liste des jurés de l’Ontario à partir desquelles les jury sont sélectionnés pour les procès et les enquêtes du coroner.

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