Les débroussailleurs: les bûcherons des temps modernes

De vrais gars de bois

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Publié 26/04/2011 par Guillaume Garcia

Quand on est fille, petite-fille et nièce de gars de bois et qu’on se met au documentaire, on fait quoi? Et bien on fait des documentaires sur les gars de bois. Ça a commencé par un long-métrage en 2004 sur les planteurs d’arbres en Abitibi et ça continue avec un second documentaire sur les débroussailleurs, dans la même région. Stéphanie Lanthier présentera Les Fros, au festival Hot Docs de Toronto qui se déroulera du 28 avril au 8 mai prochains.

Originaire de Mont-Laurier, Stéphanie Lanthier connaît la forêt et s’y sent bien. Son premier documentaire traite d’un quasi-rite de passage chez les jeunes Québécois: aller planter des arbres. Entre remise en question, retour à la terre et manne d’argent, beaucoup d’étudiants partent passer leur été en Abitibi pour planter des pousses d’arbres. Lors du tournage, elle rencontre d’autres personnes, beaucoup moins jeunes et souvent d’origine étrangère, qui partagent les camps avec les étudiants planteurs d’arbres. Ce sont les débroussailleurs.

D’un projet à l’autre

«Quand je les ai rencontrés en 2004, je me suis dit que cela pourrait faire un deuxième film», explique la réalisatrice, également professeure d’Histoire et de Science politique à l’Université de Sherbrooke.

Depuis que le Québec a obligé les grandes compagnies forestières à aménager la forêt, dans les années 80, deux métiers sont nés: planteurs d’arbres et débroussailleurs.

«Là-bas, on plante pour couper dans une centaine d’années.»

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En 2008, le Québec se pose des questions sur son identité, en résulte la commission Bouchard-Taylor et c’est ce contexte particulier de recherche d’identité qui pousse Stéphanie Lanthier à aller chercher les réponses «au plus profond du Québec, dans les forêts». «J’y voyais une certaine symbolique», poursuit-elle.

Une intégration réussie

Elle part en repérage en 4X4, de façon à être autonome une fois arrivée sur les camps. Sa première expérience, lors du tournage du documentaire sur les planteurs d’arbres, lui permet d’anticiper les difficultés et lui facilite les rencontres.

«Je suis une fille de bûcheron. J’ai appris à comprendre les comportements, il y a des silences qu’il faut respecter. Il y a une certaine manière d’approcher les gars de bois. J’avais mon camion, mes bottes, ma caisse à outil, je savais parler mécanique. C’est la plus belle partie du travail de tisser des liens. Je vivais avec les gars. J’y allais avant le tournage et je repartais après. À un moment ils oubliaient qu’ils étaient filmés.»

Et ce qu’elle découvre dans le bois est étonnant. À des milliers de kilomètres de toute grande agglomération, des hommes travaillent dans une quasi-indifférence de la part de la population. «Mais ce sont les bûcherons d’aujourd’hui», lance la jeune réalisatrice.

Parmi les débroussailleurs, elle rencontre Gérard, un Canadien-Français et Anthony, d’origine roumaine. Ces deux-là «jasent pas mal», lui avait-on dit! Dans le bois depuis plusieurs années, Anthony est arrivé illégalement sur bateau italien.

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Électricien, son diplôme n’est pas reconnu ici. Après avoir fait toutes sortes de petits boulots, il part dans le bois et après une première année difficile, il commence à faire de l’argent, à raison de près de 200 dollars par jour.

Son travail? Faire de la place pour les arbres que l’on veut couper, en débroussaillant les arbustes, grandes herbes, petits arbres qui l’entoure pour lui laisser plus de lumière. Comme les autres, il part au bois faire la saison, «des dernières aux premières neiges».

Un monde rude

Dans ses mondes méconnus, masculins, Stéphanie Lanthier parvient à sa manière à s’intéresser à la société québécoise d’aujourd’hui.

En tout, elle passera deux mois dans le bois avec les gars, découpés en cinq tronçons de tournage. Si son vécu familial lui a beaucoup servi, elle reconnaît que c’est un peu un monde de «cowboys». «Les deux dernières heures de route pour rejoindre les camps se font sur des chemins forestiers, avec des camions overloaded qui sont les rois dessus. Quand ils passent, tu ne vois plus rien à cause de la poussière, mais tu ne peux pas t’arrêter, il peut en avoir un derrière toi. Ce sont des règles non-écrites!»

La réalisatrice parvient à rendre une image sensible, humaniste de la vie de ses hommes de bois du XXIe siècle, vivant loin des villes, certains en période de transition plus ou moins longue dans leur vie, d’autres là pour toujours.

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Le film, produit par Doc productions inc. en coproduction avec l’ONF, sera présenté les 1er et 3 mai aux Hot docs au ROM Theatre.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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