Les coupures budgétaires au fédéral: le canari dans la mine de charbon

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Publié 10/10/2006 par Marcel Grimard

Le canari au début du XIXe siècle, outre animal d’accompagnement, servait de système d’alarme contre les coups de grisou dans les mines de charbon. À une époque où les systèmes de ventilation ne pouvaient pas mesurer l’accumulation des gaz toxiques, inodores et incolores, le canari offrait une mesure empirique du danger d’accumulation de ces gaz.

Lorsque le canari mourrait asphyxié, les mineurs savaient qu’un coup de grisou était éminent. Tous se passaient le mot, pour se rendre à la station de sécurité pour remonter le plus rapidement possible à la surface, chacun s’assurait que tous étaient avertis du danger.

Les comportements du gouvernement conservateur ces derniers mois nous avertissent d’un coup de grisou éminent pour les personnes, les groupes et les communautés qui ne partagent pas la philosophie, l’idéologie et la doctrine d’un régime de droite fortement influencé par la doctrine judéo-chrétienne. Il faut se rappeler qu’une importante section du Parti conservateur (celle du défunt Parti réformiste) est supportée par la droite religieuse: les mouvements anti-gai, anti-avortement, anti-programmes sociaux, anti-État, pro-vie, pro-arme à feu, et autres.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut se rappeler que le gouvernement conservateur a débuté l’implantation de son agenda conservateur en introduisant en mai dernier une modification à l’âge du consentement sexuel de 14 ans à 16 ans. Sous le prétexte de protéger les «enfants» contre les prédateurs sexuels, le gouvernement utilise la technique de l’anxiété sociale envers la sexualité des adolescents pour imposer une régularisation des comportements sexuels.

Outre, l’aspect rétrograde de cette mesure qui retourne le code criminel canadien envers la sexualité des adolescents à la fin du XIXe siècle, cette mesure s’attaque aussi au droit des adolescents à des programmes de santé sexuelle adaptés à la culture des jeunes Canadiens et Canadiennes.

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Ce changement législatif très mineur (pour ne pas faire un jeu de mot) est un premier succès du programme conservateur pour réduire les droits individuels d’un groupe de personnes sans capacité politique pour s’opposer à ces changements. N’ayant aucune opposition réelle, en fait, personne ne voulait organiser une opposition contre l’idéologie de la peur sexuelle; surtout pas les femmes, les gais et les lesbiennes de peur d’être accusés de ce que vous savez quoi…

Puis en août 2006, deux événements internationaux (les OutGames et la conférence mondiale sur le Sida) ont finalement eu lieu ici, au Canada! Ces événements internationaux touchaient la culture, les pratiques et les comportements sexuels de la population. Or dans les deux cas, le premier ministre pour des raisons «d’agenda» n’a pas pu s’y rendre.

Nous pouvons comprendre un malaise à assister aux OutGames; mais il est difficile de comprendre l’absence à la conférence internationale sur le Sida. L’argumentaire étant que le Premier ministre ne peut être partout, comme si l’invitation lui était tombée du ciel. Pendant quelque temps, les gens ont grogné mais ils ont cessé, car après tout, ne s’agissait-il pas seulement d’une conférence touchant des personnes aux pratiques sexuelles et sociales condamnables? (Sauf, faut-il en convenir pour les victimes innocentes.)

Étrangement, un mois plus tard, nous avons sous l’argumentaire néo-libéral des coupures dans des «programmes inefficaces». Inefficaces? Mais pour qui? Les personnes handicapées, les femmes, les citoyens atteints de maladies chroniques, les communautés minoritaires lésées dans leurs droits constitutionnels, les gais et lesbiennes, et bien sur, les pauvres. Ou ces coupures visent-elles tout simplement à les rendre inefficaces? Des organismes communautaires ne pourront tout simplement pas continuer leurs activités et se verront obligés de fermer leurs portes… quelques canaris vont mourir.

Toutes coupures budgétaires reposent sur un fondement idéologique. Pourquoi ne pas avoir coupé les taux d’exemption dans les régimes de retraite ou encore dans les régimes épargne-étude? Chaque année le gouvernement fédéral consent plus de 15 milliards $ en déduction d’impôts à la classe moyenne et supérieure, quelques points de moins et un milliard est vite trouvé pour sauver ces programmes. Il ne faut pas oublier le surplus de 13 milliards qui servira à la réduction de la dette.

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Non, la cible a été des petits programmes qui supportent des groupes marginalisés, qui sont sans pouvoir politique; mais qui, grâce aux efforts des bénévoles et des employés de ces groupes communautaires, permettent le respect des droits constitutionnels des personnes protégées par la Charte et ainsi neutralisent un agenda d’extrême droite.

Sous le même souffle, la coupure du programme de contestation judiciaire démontre que ces coupures ne sont pas gratuites. Historiquement, la limitation aux tribunaux est une première stratégie pour implanter des changements sociaux. Cela laisse présager des conditions politiques permettant de modifier, limiter ou restreindre l’application de la Charte des droits de la personne. Trois groupes seront la cible de l’agenda d’extrême-droite: les femmes (l’avortement), les minorités linguistiques (le bilinguisme étatique hors Québec) et les déviants tel que défini par Foucault (les handicapés [ghettoïsation sociale], les GLBTT [mariage], les pauvres [diminution des transferts sociaux] et les criminels [lois plus sévères]).

Peut-on continuer à voir les canaris au fond des mines mourir avant de réagir? Il faut nous organiser: joignez un groupe de pression, écrivez à votre député et au Premier ministre. Un jour un organisateur politique m’a dit: «À force politique la plus forte est celle du citoyen.»

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