Les chasseurs d’extra-terrestres

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Publié 21/08/2007 par Pascal Lapointe (Agence Science-Presse)

Ralph Pudritz est physicien à l’Université McMaster, en Ontario, et il croit aux extra-terrestres. De même que son collègue biophysicien Paul C. Higgs. De même que la biologiste Jenn Macalady, de Pennsylvanie, spécialiste des génomes bactériens. De même que l’astronome Richard Greenberg, à l’Université de l’Arizona. Et son collègue de l’Université de Montréal Robert Lamontagne. Et François Raulin, de l’Université de Paris, spécialiste des lunes de Saturne. Et beaucoup, beaucoup d’autres.

On est bien loin du cliché du scientifique ostracisé parce qu’il prononce le mot «extra-terrestre». Au contraire, non seulement ce mot a-t-il une discipline bien à lui, l’astrobiologie, mais en plus, note Robert Lamontagne, «c’est devenu sexy». Si vous faites une recherche sur des bactéries primitives vivant dans un environnement inhospitalier, c’est plus vendeur de les lier à la possibilité de vie sur d’autres planètes, que de vous contenter de parler des «extrémophiles de cavernes sulfuriques».

En astronomie, le développement le plus spectaculaire, c’est la chasse aux planètes tournant autour d’étoiles autres que notre Soleil. Depuis 1995, on en a détecté plus de 200 et la «planète extra-solaire» Gliese 581 dont la détection a été annoncée récemment est non seulement la plus petite de l’histoire – «seulement» cinq fois la masse de la Terre – mais surtout, la première qui soit théoriquement habitable, parce qu’elle n’est ni trop près de son étoile, ni trop loin.

«C’est une percée incroyable, réagit Ralph Pudritz, qui dirige à McMaster le seul programme de recherche en astrobiologie au Canada. Cela veut dire que la recherche d’une signature d’eau autour de cette planète va devenir très importante.»

Or, une telle recherche sera extrêmement difficile, compte tenu des distances – 21 années-lumière, la distance entre Gliese 581 et nous, ça n’a l’air de rien, mais ça nécessite 14 zéros si on le calcule en kilomètres! – et elle exigera la contribution d’astrophysiciens, de chimistes, d’ingénieurs… Ce qui est précisément la raison d’être de l’astrobiologie: rassembler des chercheurs de disciplines très éloignées.

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Ce type d’interdisciplinarité «était juste un rêve, il y a 20 ans, poursuit Pudritz. Mais il pourrait désormais être un exemple pour d’autres disciplines. Je ne pense pas que c’est juste l’astrobiologie, je pense que c’est la direction vers laquelle la science s’en va au 21e siècle».

Quelques universités américaines entretiennent également des programmes d’astrobiologie et leur modèle à tous est l’Institut d’astrobiologie de la NASA, fondé en 1995.

Les chemins détournés de l’astrobiologie

Ces scientifiques n’ont pas grand-chose à voir avec les héros de la télé qui, comme les agents du FBI dans les X-Files, n’ont qu’à ouvrir un frigo pour trouver les restes d’un extra-terrestre!

L’astrobiologie doit en effet emprunter des chemins détournés:

– des ingénieurs planchent sur des dispositifs visant à rendre les télescopes de plus en plus sensibles, ce qui explique qu’on ait pu détecter cette «petite» planète; au cours des prochaines années, il y a tout à parier que la liste va s’allonger;

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– des astrophysiciens expérimentent des méthodes qui permettraient d’analyser les infimes signatures de ces planètes, dans l’espoir d’y trouver des traces d’oxygène ou de vapeur d’eau;

– des biologistes se passionnent pour les «extrémophiles», ces bactéries qu’on ne cesse de découvrir, depuis les années 1970, dans les environnements où, auparavant, on n’aurait pas cru la vie possible: près des volcans sous-marins, sous les glaces de l’Antarctique… ou dans les réacteurs nucléaires!

– des chimistes et des «astrochimistes» découvrent des acides aminés, qui sont les «briques» préalables à la vie, dans les nuages de gaz qui préfigurent les futures étoiles, dans les disques de matière qui, autour de certaines étoiles, préfigurent les futures planètes, et dans les météorites: dès 1982, la météorite Murchison a révélé la présence de huit des 20 acides aminés qui constituent la base de tout être vivant. 

Paradoxalement, la recherche qui fait le plus parler d’elle est la moins fructueuse: l’écoute de signaux radio au moyen de radio-télescopes, comme dans le film Contact (avec Jodie Foster).

On n’a toujours pas capté la Star Académie de la Grande Ourse et plusieurs des mêmes scientifiques qui croient qu’on va tôt ou tard trouver de la vie, doutent qu’on puisse trouver de la vie intelligente: sur Terre, il a fallu 5 milliards d’années avant que l’intelligence n’apparaisse, et bien malin qui pourrait dire combien de temps elle va durer, au rythme où elle magane sa planète…

Les retombées de la quête d’extra-terrestres

Justement. Si cette nouvelle planète se révèle vraiment habitable, ne pourrions-nous pas aller la maganer elle aussi, ce qui donnerait un répit à la nôtre? On n’en est pas encore là: 21 années-lumière, avec les technologies actuelles, cela nécessiterait un voyage de plusieurs milliers d’années!

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En attendant, les retombées de l’astrobiologie se trouvent bien davantage sur Terre que dans le cosmos: «Même si on ne trouvait rien ailleurs», philosophe Robert Lamontagne, qui donne un cours d’astrobiologie à l’Université de Montréal, «on aurait beaucoup mieux compris la vie sur Terre.»

En étudiant les bactéries les plus exotiques et les acides aminés dans les nuages interstellaires, on expérimente des méthodes d’investigation qui servent à la génétique et à la chimie organique, disciplines qui, à leur tour, ont des retombées en médecine et dans le secteur industriel.

Et ça lève peu à peu le voile sur les origines de la vie…

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