Les aveux de l’espion Jeffrey Delisle soulèvent des questions

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Publié 11/10/2012 par Mike Blanchfield et Murray Brewster (La Presse Canadienne)

10 oct 2012 21h33

OTTAWA – Le gouvernement conservateur est demeuré silencieux, mercredi, malgré les nombreuses questions qu’a soulevé l’aveu de culpabilité d’un agent de la Marine canadienne concernant la vente, pendant quatre ans, de secrets militaires canadiens à la Russie.

Les critiques et les experts du renseignement ont demandé au gouvernement d’expliquer comment le sous-lieutenant Jeffrey Delisle avait réussi à conserver une autorisation de sécurité qui lui a permis de transférer de précieuses données militaires sur une clé USB.

Les experts ont également demandé un compte rendu complet de la manière dont le gouvernement compte éviter les futures failles de sécurité. Ils veulent aussi savoir ce qui a été fait pour rassurer les alliés _ dont les États-Unis et la Grande-Bretagne _ avec qui le Canada partage régulièrement des renseignements privilégiés.

Un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a indiqué que le gouvernement ne commentait pas les questions de sécurité nationale.

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Le bureau du ministre des Affaires étrangères, John Baird, a donné la même réponse.

Un expert en sécurité du renseignement de l’Université de Toronto, Wesley Wark, qui a siégé pendant quatre ans sur un comité national de sécurité récemment aboli, a qualifié l’histoire « d’ahurissante ».

« Tous les niveaux du système de sécurité ont échoué », a-t-il affirmé.

M. Wark a indiqué que normalement, l’autorisation de sécurité de Delisle, qu’il a obtenue en 1998, aurait dû être renouvelée tous les cinq ans après une vérification exhaustive de ses antécédents. L’enquête aurait dû comporter des entrevues avec ses amis et sa famille, ainsi que la divulgation d’autres renseignements personnels.

Puisque Delisle travaillait pour les Russes depuis 2007, M. Wark a demandé au gouvernement de préciser à quel moment avait été faite la dernière vérification de sécurité et si Delisle avait été soumis au polygraphe.

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« Quelque chose ne s’est vraisemblablement pas déroulé de la bonne manière dans le processus », a déclaré M. Wark.

Le porte-parole du NPD en matière de défense, Jack Harris, a pour sa part rappelé que le gouvernement devait aux Canadiens et à ses alliés une explication sur la façon dont la violation a pu se produire. Les conservateurs ont aussi la responsabilité de trouver des solutions pour prévenir de futures violations.

Il a offert ses services aux Russes

Le sous-lieutenant Jeffrey Paul Delisle a reconnu sa culpabilité à la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse à une accusation d’avoir communiqué des renseignements protégés et à une accusation d’avoir tenté de communiquer des renseignements protégés, deux infractions en vertu de la Loi sur la sécurité de l’information, ainsi qu’à un chef d’abus de confiance, en violation du Code criminel.

Delisle renonce ainsi à son droit de subir un procès. Il devait comparaître devant une cour provinciale de la Nouvelle-Écosse, ce mercredi, pour son enquête préliminaire. La sentence doit être prononcée le 10 janvier.

Delisle est la première personne au Canada à être accusée en vertu de la Loi sur la protection de l’information, qui a été adoptée par la Chambre des communes après les événements du 11 septembre 2001.

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Âgé de 41 ans, Delisle a été arrêté en janvier dernier. Il est incarcéré au centre correctionnel Central Nova Scotia à Halifax.

Ce dénouement inattendu survient plus de six mois après que la procureure de la Couronne, Lyne Décarie, eut dévoilé les grandes lignes de l’affaire, lors d’une audience sur la libération sous caution, le 28 mars. Elle avait alors affirmé que Delisle avait volontairement approché des officiels russes en 2007.

« À la suite de problèmes personnels, M. Delisle s’est présenté à l’ambassade de la Russie à Ottawa et a offert ses services. Il a proposé de mettre des informations à leur disposition », avait relaté Me Décarie devant le tribunal, lors de l’audience sur la libération sous caution.

Me Décarie a lu certaines parties d’une déclaration qu’aurait faite Delisle à la police après son arrestation, le 13 janvier. Elle a indiqué que l’officier de la Marine aurait simplement demandé à parler à un agent de sécurité de l’ambassade russe.

« Je leur ai montré ma carte d’identité et ils m’ont posé un tas de questions, puis ont pris mon nom en note et je suis parti », a lu Me Décarie.

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Delisle a travaillé à Trinity _ un centre de renseignement de l’armée situé sur la côte Est _ qui, selon des experts, devait fournir des évaluations tactiques aux navires de guerre et aux avions canadiens, tant au pays qu’à l’étranger.

Par son travail, Delisle avait accès à des systèmes sécurisés et non sécurisés du centre qui contenaient des renseignements à propos du Canada et de ses alliés, a déclaré Me Décarie au tribunal.

La plupart des informations qu’il a partagées étaient liées à l’armée, selon Me Décarie.

Il aurait aussi fourni, dans une moindre mesure, des documents sur le crime organisé, sur les acteurs politiques ainsi que la liste de contacts du chef de la Défense _ ce que Me Décarie a décrit comme un « organigramme du personnel militaire », avec des adresses courriel et des numéros de téléphone.

La Couronne a donné un compte rendu détaillé de la façon dont Delisle aurait transmis les informations à partir du centre de renseignement jusqu’à son domicile, puis aux agents russes.

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Delisle devait rechercher des références russes sur son ordinateur au centre pour ensuite les transférer sur une clé USB et rapporter le tout à son domicile.

Il devait ensuite fournir les renseignements trouvés aux Russes en les collant dans un programme de messagerie qu’il partageait avec un responsable russe, selon Me Décarie.

Elle a ajouté que Delisle aurait reçu 5000 $ pour les premiers transferts d’information après juillet 2007, puis il aurait obtenu 3000 $ chaque mois.

La Couronne a affirmé que peu de temps après, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a pris le contrôle de la boîte de messagerie que Deslile partageait avec les Russes. À ce moment, Delisle croyait toujours échanger avec un agent russe, alors qu’en réalité, « c’est la GRC qui recevait la correspondance ».

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