Les artisanes afro-canadiennes se racontent au ROM

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Publié 09/03/2010 par Annik Chalifour

La salle du Patrimoine canadien du Musée Royal de l’Ontario (ROM) accueille l’exposition Une communauté d’artisanes: les courtepointes afro-canadiennes du Sud de l’Ontario jusqu’en septembre. Silvia Forni, curatrice de la section africaine du ROM rencontrée par L’Express, donne un aperçu de cette exposition portant sur une dimension de l’Histoire des femmes noires au Canada.

L’exposition d’abord initiée pour souligner le Mois de l’Histoire des Noirs, se veut aussi une illustration de l’expression artistique qu’est l’art féminin de la courtepointe et de son rôle comme un outil de développement communautaire et de solidarité.

L’art afro-canadien de la courtepointe est né dans la décennie précédant la confédération.
Dans les plantations américaines, les esclaves noires étaient chargées, entre autres, des travaux de tissage.

Vers 1840, plusieurs esclaves affranchies et fugitives arrivèrent au Canada: l’esclavage aux États-Unis fut aboli en 1865.
Elles ont apporté leur savoir-faire de courtepointières, qu’elles ont transmis à leurs filles.

Jusqu’à aujourd’hui, leurs descendantes poursuivent la tradition de confection de couvertures à partir de bouts de tissus recyclés; lesquelles à l’époque étaient cousues manuellement.

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La communauté de North Buxton située entre Chatham et Windsor au sud de l’Ontario, abrite plusieurs cercles de courtepointières dont les ancêtres étaient d’origine africaine.

Intégration sociale

«Les courtepointes, les photographies, les outils du métier et les poupées de chiffons au visage noir qui forment cette exposition sont prêtés par le Musée de Buxton et par l’Ontario Black History Society», précise Mme Forni.

«Les courtepointes exposées ont été créées entre 1848 et 1976. Elles retracent l’oeuvre des femmes Afro-canadiennes envers l’établissement de leur communauté dans un nouveau milieu de vie», ajoute la curatrice.

«L’exposition examine le rôle joué par les courtepointes dans les rapports sociaux et familiaux, principalement dans la communauté afro-canadienne de North Buxton, qui doit sa fondation en bonne partie aux esclaves affranchis venus s’établir au Canada.»

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Les couvertures étaient confectionnées en groupe, généralement composé de cinq à six femmes assises autour d’une table en train de tisser. L’activité favorisait les échanges autour de sujets d’actualité touchant la communauté.

Tradition de solidarité

«La fabrication des courtepointes offrait l’opportunité aux nouvelles arrivantes de discuter entre elles des défis que suscitaient leurs efforts d’intégration sociale et par la même occasion, de trouver des solutions», explique Silvia Forni.
On confectionnait souvent les courtepointes à l’occasion d’événements spéciaux tels un déménagement, un mariage, la venue d’un bébé.

«Les courtepointes sont ainsi devenues une tradition de solidarité et d’entraide en Amérique du Nord, liée à la période de l’esclavage», commente Mme Forni.
«Cette approche centrée sur l’entraide est d’abord issue du concept de la famille élargie en Afrique», observe-t-elle.

En regardant de plus près certaines courtepointes, on aperçoit les noms de plusieurs donateurs brodés dans les carrés de tissus. Ces derniers finançaient les cercles de courtepointières.

«La vente des couvertures servait à la fois de revenu pour soutenir des projets conçus par les Afro-canadiennes en faveur du développement de leur communauté, et de capital pour qu’elles puissent s’approvisionner en fournitures afin d’assurer la production continue des courtepointes», mentionne la curatrice.

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Phénomène rural et urbain

«Bien que les cercles de courtepointières afro-canadiennes ont été et sont surtout très actifs dans le milieu rural du sud de l’Ontario, elles existent aussi en contexte urbain tel qu’à Toronto, ainsi qu’ailleurs au pays comme au Nouveau-Brunswick», soutient Mme Forni.

L’exposition à caractère historique, nous informe sur le mode de vie des immigrantes noires d’antan, mettant l’accent sur leurs courtepointes, moteurs de leur insertion sociale. Une vidéo offrant les témoignages d’Afro-canadiennes issues de Buxton et d’ailleurs, fait également partie de l’exposition présentée au ROM jusqu’au 6 septembre.

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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