Les absents ont toujours tort?

Un milliard économisé ici, un milliard encourru là...
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Publié 15/01/2018 par Michèle Villegas-Kerlinger

Lorsqu’on parle de l’absentéisme à l’école, nous pensons souvent aux élèves qui sèchent les cours au grand dam de leurs parents et enseignants. Mais plusieurs études font état d’un absentéisme croissant chez les employés des conseils scolaires de la province.

Dans son rapport annuel, Bonnie Lysyk, la vérificatrice de l’Ontario, a cité les résultats d’une étude étalée sur cinq ans et publiée en 2017. Réalisée auprès d’une cinquantaine de conseils scolaires, le rapport fait mention d’une hausse de presque 30% d’absentéisme depuis 2012 chez les enseignants et autres employés des conseils scolaires tels les aides-enseignants, les éducateurs à la petite enfance, les concierges et les préposés à l’entretien.

Le coût de toutes ces absences s’élève actuellement à presqu’un milliard de dollars par année.

Congés de maladie

Les causes de cette hausse vertigineuse sont multiples. En septembre 2012, la loi donnant la priorité aux élèves est entrée en vigueur, suivie de près du règlement de l’Ontario 1/13. Ces mesures ont été adoptées pour réaliser des économies à la province.

Selon Mitzie Hunter, la ministre de l’Éducation, l’argent économisé est de l’ordre d’un milliard de dollars par an depuis l’entrée en vigueur de la loi et du règlement.

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Avant 2012, les enseignants disposaient de 20 jours de congé de maladie par an, payés à 100%. Les jours non utilisés s’accumulaient jusqu’à la retraite, moment où l’enseignant pouvait les échanger contre une prime valant jusqu’à 45 000 $. À cette époque-là, l’absentéisme des employés des conseils scolaires représentait en moyenne 9 jours par personne par an.

2 à 3 jours de plus

À partir du 1er septembre 2012, le nombre de jours de congé de maladie a été réduit de 20 à 11, payés à 100%, en plus de 120 jours payés à 90%. Pour l’année 2015-2016, l’absentéisme chez les employés des conseils scolaires a atteint une moyenne de 11,6 jours par personne par an.

Étant donné que la prime n’existe plus, il est vrai que certains employés se prévalent plus de leurs jours de congé de maladie. Si la plupart des gens sont consciencieux et ne manquent l’école que pour des raisons légitimes, d’autres auraient du mal à justifier quelques-unes de leurs absences pour cause de maladie.

Conscients du phénomène, certains conseils scolaires ont commencé à regarder de plus près les absences de leur personnel, en particulier ceux qui s’absentent souvent le lundi ou le vendredi. Les coupables risquent de faire face à des mesures disciplinaires très sévères.

Microbes d’enfants

Un autre facteur qui pourrait expliquer l’absentéisme croissant du personnel enseignant est la nature même du travail. Il est de notoriété publique que le fait d’être en contact permanent avec des enfants ou des collègues malades expose les enseignants à toute une horde de bactéries et de virus.

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D’après plusieurs sources, un enseignant dans l’exercice de ses fonctions est exposé à plus de microbes qu’un médecin. Donc, si un employé du conseil scolaire est malade de nos jours, au lieu de se présenter à l’école dans cet état afin de faire croître sa prime à la retraite, bonus qui n’existe plus, il sera plus enclin à rester à la maison.

Il y a aussi le fait que les femmes, quelle que soit leur profession, manquent en moyenne 3,8 jours de travail de plus par an que les hommes. En Ontario, 80% des enseignants sont des femmes.

Violence

D’après Harvey Bischof, président de l’OSSTF, la Ontario Secondary School Teachers’ Federation (FEESO, la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario), c’est l’augmentation de la violence dans les écoles qui expliquerait le nombre croissant d’absences chez les enseignants.

Selon M. Bischof, les professeurs font face à de plus en plus de stress dans le cadre de leurs fonctions. Même son de cloche de la part de l’ETFO, la Elementary Teachers’ Federation of Ontario (FEEO, la Fédération des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario) et du CUPE, le Canadian Union of Public Employees (SCFP, le Syndicat canadien de la fonction publique).

Salubrité

En plus des facteurs humains mentionnés ci-haut, il ne faut pas sous-estimer l’importance d’un milieu de travail sain. Des 4 658 écoles de la province, plus d’un tiers sont en mauvais état. Des 278 autres qui sont dans un état critique, 200 font partie du Conseil scolaire anglophone de Toronto (TDSB).

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Des différences importantes de température (parfois dans la même salle de classe), une pauvre qualité de l’air, la présence d’amiante ou de moisissures, des classes à la propreté douteuse parce que les préposés à l’entretien, de par leur contrat, n’ont pas le temps de faire un ménage efficace…

Ce sont tous des facteurs qui contribuent à un environnement malsain.

Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a promis d’injecter 1,1 milliards $ dans des rénovations et la construction de nouvelles écoles alors que les besoins se situent plutôt dans les 17 milliards $. Pourtant, quand on pense qu’il peut coûter jusqu’à 3 000$ pour installer une simple prise ou 6 000$ pour l’installation d’un projecteur, on peut se demander si tous ces milliards seront suffisants.

Conséquences

L’absentéisme chez les enseignants a un impact direct sur les élèves pour plusieurs raisons.

Dans la grande région de Toronto, le conseil scolaire paie un suppléant environ 225 $ par jour. Si le coût des suppléants dépasse le budget alloué à cet effet, il y aura moins d’argent pour les services offerts aux élèves.

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Dans de nombreux conseils scolaires qui offrent des programmes d’immersion, il y a très peu de suppléants qui parlent français. L’apprentissage des élèves est directement affecté et le nombre d’heures exigées par le programme, réduit.

Chaque fois qu’un professeur est absent non seulement pour une maladie ou un accident, mais encore pour le développement professionnel ou les sports, les écoles doivent faire appel à un suppléant s’il n’y a pas assez de professeurs réguliers sur place pour le remplacer.

Non seulement cela coûte cher et ajoute à la charge du travail des enseignants qui sont présents, mais encore la personne qui remplace le professeur absent n’est pas toujours la même et n’est pas forcément qualifiée dans la matière du cours. Si un enseignant s’absente souvent, le curriculum risque d’en souffrir et c’est l’intégrité même du cours qui pourrait être compromise.

Crédits de congé

Pour contrer le haut taux d’absentéisme chez les enseignants, Mme Lysyk recommande la mise en place de mesures qui, dans un premier temps, favoriseraient le bien-être et les saines habitudes de vie chez les enseignants et, dans un deuxième temps, aideraient ceux qui s’absentent fréquemment à retourner au travail.

Les ELP (Earned Leave Plans) seraient une option, selon certains. Pour calculer ces crédits de congé, les conseils scolaires calculent la moyenne du nombre de jours de congé de maladie de leur personnel pour l’année. L’enseignant qui s’est absenté moins de jours que la moyenne a droit à un jour de congé payé au même salaire qu’un suppléant et un jour de congé non payé.

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Malheureusement, le plan n’a pas fonctionné pour les enseignants à l’élémentaire du conseil catholique de Toronto (TCDSB) puisque la moyenne des jours de congé de maladie pour l’année calculée étaient de 16 jours. Par ailleurs, cette option ne résout pas le problème qui est le nombre élevé d’absences du personnel et les coûts importants que ces absences engendrent pour les conseils scolaires.

Programme d’assiduité

Une meilleure solution, selon d’autres experts, est l’AMP (Attendance Management Program), c’est-à-dire un programme d’assiduité au travail. Il s’agit d’un programme d’accompagnement pour les enseignants qui sont souvent absents.

La démarche consiste en une rencontre entre l’enseignant et un représentant du syndicat. Ce dernier joue un rôle de conseiller auprès de l’enseignant, lui suggérant des ressources pour l’aider à retourner au travail. Ils discutent de la cause des absences et des accommodements éventuels que pourraient être offerts par le conseil scolaire.

Dans le cas d’un incident ponctuel, comme un accident, une seule rencontre suffit. Si le problème persiste, une deuxième rencontre est organisée et un plan mis en place entre l’enseignant et le conseil scolaire qui pourrait, éventuellement, demander de la documentation pour justifier des absences répétitives.

Règlement des problèmes

En plus de l’AMP, des écoles propres et en bon état profiteraient à tous ceux qui y travaillent ou étudient. Enfin, une politique qui aborderait efficacement les principaux facteurs de stress dont souffrent certains enseignants telle la violence, qu’elle soit physique, verbale ou autre, favoriserait un climat plus propice à l’enseignement et à l’apprentissage dans nos écoles.

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Une bonne compréhension des enjeux aidera les décideurs à trouver des solutions viables qui auront les meilleures chances de réussir. Alors, nous pourrons tous répondre «présent»!

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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