Difficile de croire que Corneille n’en est qu’à son deuxième album (si l’on exclut un live noyé dans une mer de chœurs d’ados), tellement il occupe de place dans le paysage de la chanson, tant au Québec qu’en France, où il concurrence Cabrel et Sardou au chapitre des chiffres de vente.
Si Parce qu’on vient de loin était l’album de la révélation, alors Les marchands de rêves (DEJA Musique) sera celui de la consécration. Désormais, le Soul Brother # 1 du Québec marche sur l’eau, et de critiquer quelqu’aspect de sa démarche équivaudrait à dire de Mère Teresa qu’elle avait mauvaise haleine.
Corneille n’a pas que la gueule – et la garde-robe – d’une star: il est conscient de sa bonne étoile, ayant survécu au génocide rwandais qui a décimé sa famille, et son statut de miraculé prête à certains morceaux de cet opus 2 (Lettre à la Maison Blanche et Sur la tombe de mes gens) une autorité morale dont le chanteur use sans en abuser.
Mais si l’on place l’album dans son plus vaste contexte historique et stylistique, c’est-à-dire dans le cadre de la soul, où il évolue dans l’ombre colossale de Curtis Mayfield, Donny Hathaway ou Al Greene, force est de constater que ce beau jeune homme ne fait pas encore le poids, comme interprète: après 14 morceaux et près de 70 minutes à l’écouter chanter dans le même registre évanescent, mon plaisir initial avait cédé à l’ennui, voire à l’agacement.
Mais ces réserves me placeront assurément au sein d’une minorité, et les jeunes fans qui allument des briquets par milliers à ses spectacles n’écouteront pas Les marchands de rêves avec les mêmes oreilles (ni le même cœur endurci!), et y trouveront amplement de quoi rêver.