L’envolée de Corneille

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Publié 20/02/2006 par Dominique Denis

Difficile de croire que Corneille n’en est qu’à son deuxième album (si l’on exclut un live noyé dans une mer de chœurs d’ados), tellement il occupe de place dans le paysage de la chanson, tant au Québec qu’en France, où il concurrence Cabrel et Sardou au chapitre des chiffres de vente.

Si Parce qu’on vient de loin était l’album de la révélation, alors Les marchands de rêves (DEJA Musique) sera celui de la consécration. Désormais, le Soul Brother # 1 du Québec marche sur l’eau, et de critiquer quelqu’aspect de sa démarche équivaudrait à dire de Mère Teresa qu’elle avait mauvaise haleine.

Corneille n’a pas que la gueule – et la garde-robe – d’une star: il est conscient de sa bonne étoile, ayant survécu au génocide rwandais qui a décimé sa famille, et son statut de miraculé prête à certains morceaux de cet opus 2 (Lettre à la Maison Blanche et Sur la tombe de mes gens) une autorité morale dont le chanteur use sans en abuser.

Mais si l’on place l’album dans son plus vaste contexte historique et stylistique, c’est-à-dire dans le cadre de la soul, où il évolue dans l’ombre colossale de Curtis Mayfield, Donny Hathaway ou Al Greene, force est de constater que ce beau jeune homme ne fait pas encore le poids, comme interprète: après 14 morceaux et près de 70 minutes à l’écouter chanter dans le même registre évanescent, mon plaisir initial avait cédé à l’ennui, voire à l’agacement.

Mais ces réserves me placeront assurément au sein d’une minorité, et les jeunes fans qui allument des briquets par milliers à ses spectacles n’écouteront pas Les marchands de rêves avec les mêmes oreilles (ni le même cœur endurci!), et y trouveront amplement de quoi rêver.

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Celle qui revient

À toutes fins pratiques, Turquoise (Celle Qui Va/Sélect) aurait pu paraître il y a dix ans, voire vingt ans. Marjo, on le savait, n’est pas du genre à courailler les tendances, ne ressentant aucun besoin d’actualiser sa palette de couleurs: sa crinière reste d’un blond marilynesque, sa musique garde ses occasionnels accents de blues (quoi de plus naturel, pour cette rockeuse pas tout à fait assagie), et sa collaboration avec Jean Millaire – elle signe les textes, lui, les musiques – tourne toujours aussi rond, cernant le personnage d’une femme tantôt féline, tantôt vulnérable, et toujours attachante.

Mais au cœur de la magie Marjo, il y a cette voix sans fard, qui n’a jamais su tricher, et qui a eu l’intelligence d’éviter l’équation agaçante entre vocalises et feeling, suivant la leçon des meilleurs guitaristes de blues, lesquels n’ont besoin que de trois notes pour toucher à l’essentiel.

Tant au registre de la tendresse (Libellule) que de la menace érotique (Loup), Marjo n’est jamais moins que convaincante. Et même si Turquoise ne renferme aucune chanson qui fera date, l’album nous apprivoise au gré des écoutes, comme s’il avait toujours fait partie de nos repères affectifs. Au fond, c’est peut-être ça, la magie Marjo

Dans les pas de la Bottine

Au Québec, le néo-trad est une mouvance bien établie: dans le sillon creusé par la Bottine Souriante il y a de ça une trentaine d’années, une foule de musiciens sont venus conjuguer le patrimoine au présent, avec une virtuosité qui n’a d’égale que leur enthousiasme.

Le jeune quintette Mauvais Sort, qui en est déjà à son troisième album en cinq ans, n’est ni le plus néo, ni le plus trad du lot: pas de scratches ou de rap à la Swing, ni de cuivres ou de percussions latines à la Bottine Souriante sur Koru (Disques MS / Distribution Outside). Son fonds de commerce, ce sont les chansons à répondre, tirées de la mémoire patrimoniale et exécutées avec verve et conviction.

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Les femmes infidèles, les mauvais garçons, les avocats croches, les fantômes et, bien entendu, Lucifer lui-même sont au rendez-vous de cet album qui est peu susceptible d’assurer à Mauvais Sort le degré de succès commercial qu’a atteint Mes Aïeux, mais les inconditionnels y trouveront assez de petits bonheurs pour justifier le détour de Koru.

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