L’Égypte ancienne au ROM: la résurrection des morts

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Publié 03/03/2009 par Khadija Chatar

«Je n’ai pas été de mauvaise humeur; je n’ai pas espionné; je n’ai pas été bavard; je n’ai pas été sourd aux paroles de vérité; je n’ai été insolent; je n’ai été riche que de mes biens.» C’est là un extrait de La déclaration d’innocence qui repose dans Le Livre des Morts de l’Égypte ancienne. Le papyrus est exposé au ROM (Musée Royal de l’Ontario) depuis samedi.

Dans ce manuscrit vieux de 2 300 ans figurent de nombreuses incantations et illustrations colorées. Pour une atmosphère des plus pharaoniques, un sarcophage, des momies, des amulettes, des chaouabtis – statuettes funéraires– et autres objets égayent le reste de la salle, située au niveau 3 du bloc central du Musée.

Le papyrus exposé au regard des curieux aurait appartenu à un homme riche de l’Égypte ancienne, du nom d’Amenemhat. Les amateurs d’histoire et d’archéologie auront le plaisir de découvrir de nombreuses scènes merveilleusement reconstituées du voyage du défunt dans l’au-delà. Les différentes divinités et emblèmes y sont fidèlement représentés.

Selon, M. Krys Grzymski, conservateur de la section de l’Égypte et de la Nubie au ROM, les anciens Égyptiens pensaient que le passage de l’esprit du défunt dans le monde de l’au-delà dépendait de la qualité des incantations, des illustrations et des gestes de circonstance figurant dans le guide funeste.

Le cœur, trône des sentiments et de la pensée

Parmi la panoplie d’épisodes relatées dans le Livre des Morts, un en particulier mérite toute l’attention: La scène du jugement.

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Celle-ci est ornée de différents éléments et détails intéressants. Les colonnes vertes placées aux extrémités de la salle sont révélatrices et typiques du lieu où la scène se déroule. Le visiteur pourra identifier, debout sur un lotus, devant le trône du juge Osiris – le dieu de la végétation– les fils d’Horus.

Ensuite, le dieu soleil, sous l’apparence d’un nouveau-né aux côtés de ce groupe, lui sera facilement reconnaissable. «On le voit accroupi sur un sceptre à l’extérieur de son autel.» Le principal personnage, Amenemhat, est enroulé dans un pagne blanc, son crâne rasé porte les noms de ses parents.

Dans l’ancienne Égypte, les corps n’étaient pas entièrement vidés de leurs organes. Un seul restait, le cœur. «Le cœur était considéré comme le siège des sentiments et de la pensée.» Son rôle était sans doute primordial car c’est lui qui est interrogé dans La scène du jugement. Dans le manuscrit on aperçoit à droite d’Osiris, une balance où un plateau porte le cœur d’Amenemhat et l’autre la plume de la vérité. «Elle est le symbole de Maât, la déesse de la Vérité et de la Justice», nous informe M. Grzymski. Autour de la balance, Anubis reconnaissable à sa tête de canidé et Horus de faucon, épilent les oscillations de la balance et l’ajustent consciencieusement.

Les vacillations terminées, le dieu de la sagesse et de l’écriture, Thot – représenté avec sa tête d’ibis et une auréole dorée – remet le verdict à Osiris. Surplombant la scène, 42 figurines sont alignées vaillamment le long de la dernière rangée du mur de la salle de sentence. Ils surveillent le déroulement du jugement. «Ce sont les juges des morts», poursuit M. Grzymski.

Le châtiment, un monstre, dévore son cœur

Lorsque le cœur du défunt maintient, dans la balance, un certain équilibre; comme c’est le cas pour Amenemhat, la vie éternelle lui est accordée. Dans le cas contraire, un châtiment horrible l’attend – mais qui, somme toute, semble plus attrayant que celui réservé aux pécheurs des religions sémitiques–une bête féroce dévore son cœur.

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«Dernière Osiris, il y a un monstre qui réunit les créatures les plus terrifiantes de l’Égypte ancienne et qui sont l’hippopotame, le lion et le crocodile», désigne M. Grzymski.

Le Livre des morts de l’Égypte ancienne constitue l’une des collections privées du ROM. Le document, aujourd’hui exposé, est resté dans les caves du musée pendant prés de 100 ans. Une belle acquisition que le musée doit à Charles Trick Currelly, le premier directeur du ROM. Par peur de l’endommager, il a fallu attendre 2006 pour le dérouler pour la première fois.

Les techniques de restauration ayant largement évolué d’une part, et l’intérêt prêté au vieux rouleau par Mme Irmtraut Munro, responsable du projet de l’Université de Bonn (Allemagne) d’autre part, ont largement contribué à convaincre les responsables du musée à sortir de l’ombre ce vestige à valeur inestimable. «Le public pourra admirer ce fascinant document pour la première fois depuis que ses nombreux fragments ont été réunis grâce à un long traitement de restauration effectué ici même au Musée», indique M. Krys Grzymski. «Le Livre des Morts du ROM, probablement le plus bel exemplaire au monde, constituera le fleuron du mois de l’Égypte.»

L’exposition Le Livre des Morts de l’Égypte ancienne se tiendra jusqu’au 10 mars prochain.

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