Lectures saintes et malhonnêtes

Donna Leon, Brunetti entre les lignes, roman, Paris, Éditions Calmann-Lévy, 2016, 300 pages, 32,95 $.
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Publié 21/06/2016 par Paul-François Sylvestre

Le commissaire Guido Brunetti est de retour, tout comme l’inspecteur Isperetto Vianello et la signora Elettra. Il s’agit évidemment d’une autre enquête policière de Donna Leon, la 26e; elle s’intitule Brunetti entre les lignes. Nous sommes de nouveau à Venise et cette fois nous plongeons dans l’univers mystérieux des livres anciens.

Brunetti reçoit un appel fiévreux de la directrice d’une prestigieuse bibliothèque vénitienne et apprend que plusieurs livres anciens de grande valeur ont été endommagés, d’autres ont même disparu. Il se rend immédiatement sur les lieux, où le personnel soupçonne un chercheur américain venu à plusieurs reprises consulter les livres maintenant endommagés ou volés. L’enquête démarre et Brunetti découvre que le suspect est ni chercheur ni américain…

Une personne qui a peut-être été témoin du vandalisme ou du vol est un ancien prêtre qui vient chaque jour à la bibliothèque pour lire les Pères de l’Église – saint Ambroise, saint Jérôme, saint Cyprien – dans des versions originales latines. On apprend que cet homme a perdu la foi un matin en se levant, «comme s’il l’avait mise quelque part avant d’aller se coucher et qu’au réveil, il n’arrivait plus à la retrouver».

J’ai été surpris de voir qu’une maxime latine revienne parfois à l’esprit du commissaire Brunetti, comme Nihil non ratione tractari intelligique voluit (Il n’y a rien que Dieu veuille laisser incompris et non soumis à la raison). Je veux bien croire que Brunetti est cultivé, mais je trouve ce savoir peu plausible chez un policier.

Le roman souffre de plusieurs longueurs ou digressions inutiles. Donna Leon aime trop s’attarder au décor d’une résidence vénitienne, à l’ambiance d’un jardin ou d’une rue. Lorsqu’une question est posée, la réponse vient souvent deux ou trois paragraphes plus loin parce que l’auteure truffe sont texte de notes ou anecdotes superflues.

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Leon aime aussi farcir son récit d’envolées lyriques ou bucoliques. Lorsque quelques boutons de glycine se gorgent de sève, elle écrit que, «en l’espace de sept jours, leurs grappes se pencheraient au-dessus de l’eau et qu’une semaine plus tard, leurs mauves efflorescences s’ouvriraient brusquement en une nuit, inondant de leur fragrance le moindre passant et incitant toute personne ayant respiré ces effluves à se demander pourquoi donc, au nom du ciel, aller travailler en une belle journée et fixer l’écran d’un ordinateur, alors que dehors, la vie recommençait à exploser de toutes parts». Style trop fleuri, à mon goût, pour un roman policier.

L’enquête entourant le vandalisme et le vol perpétrés à la bibliothèque se complique lorsqu’un meurtre est commis sur la personne de l’ancien prêtre amateur de textes latins.

Cet homme et son frère sont des personnages assez colorés. Le premier cherche à s’élever dans la société et ses instruments d’action préférés sont la séduction et le chantage. Le second est réglé comme une horloge suisse. Il avait téléphoné à son frère «chaque mardi soir, à 9 heures, pendant seize ans».

Avec Brunetti entre les lignes, Donna Leon nous plonge dans le monde sombre et secret du marché noir de livres antiques. Ce faisant, elle revisite nos conceptions parfois stéréotypées de l’innocence et de la culpabilité.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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