Le suicide d’une ado forcée de marier son agresseur sème l’émoi au Maroc

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Publié 15/03/2012 par Paul Schemm (The Associated Press)

à 18h39 HAE, le 14 mars 2012.

RABAT, Maroc – L’histoire d’une adolescente de 16 ans qui s’est suicidée après avoir été forcée d’épouser l’homme qui l’a violée provoque un tollé chez les cybermilitants marocains, qui appellent à des changements dans les lois du pays.

Une pétition en ligne, une page Facebook et d’innombrables messages sur Twitter expriment la consternation des internautes face au suicide d’Amina Filali, qui a avalé du poison à rats samedi pour échapper à son mariage forcé avec l’homme qui l’avait violée un an plus tôt.

L’article 475 du code pénal marocain permet au «ravisseur» d’une mineure d’épouser sa victime pour échapper à des poursuites judiciaires. Il a été utilisé pour justifier une pratique traditionnelle qui permet à un violeur de marier sa victime pour préserver l’honneur de la famille de la femme.

«Amina, 16 ans, a été triplement violée, par son agresseur, par la tradition et par l’article 475 de la loi marocaine», a écrit le militant Abadila Maaelaynine sur Twitter.

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Abdelaziz Nouaydi, président de l’association Adala qui milite pour des réformes juridiques, a expliqué qu’un juge pouvait recommander le mariage seulement dans le cas où la victime et les deux familles sont d’accord.

«Ce n’est pas une chose qui arrive souvent. C’est très rare», a-t-il dit, tout en admettant que les familles des victimes acceptent parfois le mariage par crainte que la femme ne puisse se marier plus tard si son entourage apprend qu’elle a été violée.

Les victimes de viol sont parfois poussées par leur famille à accepter un mariage pour éviter de créer un scandale, affirme Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique pour les droits de la femme.

«C’est malheureusement un phénomène récurrent», a-t-elle dit. «Nous demandons depuis des années l’annulation de l’article 475 du code pénal qui permet aux agresseurs d’échapper à la justice.»

Dans une entrevue avec une publication marocaine en ligne, le père de la victime a affirmé que ce sont des responsables de la cour qui ont suggéré dès le début l’option du mariage quand le viol leur a été rapporté.

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«Le procureur a conseillé à ma fille de se marier, il lui a dit d’y aller et de signer un contrat de mariage», a dit Lahcen Filali.

Dans plusieurs sociétés, une jeune fille qui perd sa virginité hors des liens du mariage représente une immense tache sur l’honneur de sa famille.

Le Maroc a réformé son code de la famille en 2004, ce qui a considérablement amélioré le statut de la femme, mais les militants des droits de la personne estiment qu’il doit encore être amélioré.

Dans les cas de viol, le fardeau de la preuve repose souvent sur la victime. Si elle ne peut prouver qu’elle a été violée, une femme risque d’être accusée de libertinage.

«Au Maroc, la loi protège la moralité publique mais pas les individus», a dit Mme Assouli, ajoutant que les lois devant interdire toute forme de violence contre les femmes sont bloquées au gouvernement depuis 2006.

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Selon le récit du père de la victime, Amina a été accostée dans la rue et violée quand elle avait 15 ans, mais elle a attendu deux mois avant d’en parler à ses parents. La cour a plaidé en faveur du mariage, même si l’agresseur avait initialement refusé. Il a finalement accepté pour éviter des poursuites. La peine prévue pour un viol est de 10 ans de prison, mais peut aller jusqu’à 20 ans quand la victime est mineure.

Amina Filali a finalement épousé son agresseur. Mais elle s’est plainte à sa mère que son mari l’avait battue à plusieurs reprises durant leurs cinq mois de mariage, a déclaré le père. Sa mère lui a conseillé d’être patiente.

Une page Facebook intitulée «Nous sommes tous Amina Filali» a été créée. Une pétition en ligne appelant le Maroc à mettre fin aux mariages entre un agresseur et sa victime a déjà recueilli plus de 1000 signatures.

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