Le rejet d’une action avant le procès

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Publié 27/03/2012 par Gérard Lévesque

Le justiciable qui dépose une poursuite devant le tribunal présume que, s’il n’y a pas de règlement à l’amiable, le dossier fera l’objet d’un procès. Cela n’est toutefois pas toujours le cas car les règles de la plupart des tribunaux prévoient des possibilités de fin prématurée d’une action.

C’est notamment le cas des Règles de la Cour des petites créances de l’Ontario. Dans le cadre de chaque action contestée, une conférence en vue d’une transaction doit être tenue.

Or, le juge qui préside cette conférence peut rendre toute ordonnance relative au déroulement de l’action que le tribunal pourrait rendre. Cela comprend entre autres les possibilités de rendre une ordonnance joignant ou radiant des parties, réunissant des actions, prescrivant le sursis de l’action, modifiant ou radiant une demande ou une défense, prescrivant le sursis ou le rejet d’une demande, exigeant la production de documents, modifiant le lieu d’instruction, exigeant la tenue d’une autre conférence en vue d’une transaction ou adjugeant des dépens.

Dans l’affaire Regis Jogendra c. Kenneth Campbell, un juge suppléant ordonne le 14 janvier 2009 le rejet de la demande parce que celle-ci a été déposée à l’extérieur des délais prescrits et parce qu’il s’agit d’un abus de procédure. Le demandeur Jogendra présente alors à un autre juge suppléant une requête pour obtenir l’annulation de l’ordonnance de rejet. Cette requête est rejetée le 23 février 2010 parce que la décision originale était une disposition finale du dossier et que la requête s’apparentait à un appel.

Le demandeur porte ces deux décisions en appel devant la Cour divisionnaire. Dans sa décision du 17 janvier 2011, le juge L.K. Ferrier fait un bref résumé du dossier: en 1999, le demandeur, alors un juge de paix, est accusé de dix chefs d’accusation d’agression sexuelle à l’endroit de dix femmes différentes qui avaient demandé ses services comme juge de paix. Puis, en 2001, il fait face à une accusation d’agression sexuelle à l’endroit d’une jeune de dix-sept ans laquelle aurait eu lieu dans le métro de Toronto.

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Le demandeur allègue que le défendeur, un fonctionnaire, est personnellement responsable du refus des demandes qu’il a soumises au ministère du Procureur général afin d’être remboursé des frais juridiques qu’il a dû payer pour se défendre contre les accusations d’agression sexuelle. Il prétend avoir droit à ce remboursement puisqu’il agissait dans le cadre de ses fonctions et, ainsi, qu’il était protégé par une immunité judiciaire.

Une plainte faisant état des dix accusations de 1999 avait été déposée auprès du Conseil d’évaluation des juges de paix. Dans le cadre des instances criminelles, la Couronne et l’avocat de l’accusé se sont entendus pour régler ces accusations de la façon suivante: l’accusé comparaîtrait devant le Conseil d’évaluation des juges de paix et admettrait les allégations décrites dans la plainte. Il serait alors démis de ses fonctions de juge de paix. Puis, la Couronne retirerait les accusations criminelles.

Avant que cette entente ait pu être réalisée, une jeune fille de dix-sept ans a allégué avoir été agressée sexuellement par le demandeur, ce qui a mené en juin 2001 à une nouvelle accusation d’agression sexuelle contre lui. En conséquence, le règlement des accusations de 1999 a été suspendu.

Lors du procès au sujet de l’accusation de 2001, l’accusé a été déclaré non coupable. L’entente de règlement des accusations de 1999 a alors été mise en œuvre: bien qu’à ce moment, le demandeur avait atteint l’âge de la retraite obligatoire, il a admis les allégations devant le Conseil d’évaluation des juges de paix et la Couronne a retiré les accusations de 1999.

Le 6 juillet 2006, plus de 7 ans après sa première demande de remboursement, il réitère sa demande de remboursement, mais maintenant pour une somme de plus de 84 mille dollars, montant qui inclut les frais juridiques du procès de 2001 lié à l’incident du métro.

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En donnant raison aux deux juges suppléants, le juge Ferrier écrit: «Clearly this action is an abuse of process and is frivolous and vexatious. The matters raised have been raised twice before in earlier proceedings before the Human Rights Commission. None of the claims have any legal basis or merit. To suggest that he was acting in the course of his duties as a Justice of the Peace and is thereby protected by judicial immunity, especially when he admitted to the allegations made against him, is simply specious. Furthermore he has the gall to claim for legal expenses incurred in the trial of the charge of sexual assault in the TTC event. Specious is hardly a sufficient adjective. For the same reasons the claim discloses no reasonable cause of action.»

Pour plus de renseignements: Jogendra v. Kenneth L. Campbell, 2011 ONSC 272 : www.canlii.org/en/on/onscdc/doc/2011/2011onsc272/2011onsc272.html

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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