Le régime syrien ne veut pas être le premier à cesser le feu

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Publié 27/03/2012 par Bassem Mroué (The Associated Press)

à 11h17 HAE, le 31 mars 2012.

BEYROUTH – Les forces gouvernementales syriennes ne se retireront pas tant que la situation ne reviendra pas à la normale, a assuré samedi un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jihad Makdessi. Ces propos interviennent à la veille d’une nouvelle réunion dimanche à Istanbul du groupe des Amis du peuple syrien, comprenant notamment la Ligue arabe, l’Union européenne et les Etats-Unis.

C’est la première réponse des autorités syriennes aux déclarations de l’émissaire des Nations unies et de la Ligue Arabe Kofi Annan, qui avait enjoint vendredi au régime alaouite de cesser au préalable ses opérations militaires, en tant que « partie la plus forte » et « en signe de bonne foi ».

Les forces syriennes sont « en état de légitime défense et protègent les civils », a affirmé M. Makdessi à la télévision publique. « L’armée syrienne n’est pas heureuse d’être présente dans les zones d’habitation. Une fois que la paix et la sécurité prévaudront dans ces secteurs, l’armée ne restera pas, ni n’attendra que Kofi Annan parte. C’est une affaire syrienne », a-t-il ajouté.

La Syrie a accepté mardi le plan de paix présenté par Kofi Annan, prévoyant notamment un cessez-le-feu des forces gouvernementales, une trêve de tous les combats deux heures par jour pour évacuer les blessés et fournir une aide humanitaire, ainsi que l’ouverture de pourparlers entre toutes les parties pour chercher une solution politique. Mais le régime n’a pas mis en oeuvre le plan et la répression se poursuit.

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Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les forces de sécurité ont fait au moins 25 morts samedi, principalement dans les provinces de Deraa (sud), d’Idlib (nord-ouest) et de Homs (centre). Les Comités locaux de coordination, autre mouvement de militants syriens, citent eux un bilan de 24 morts, dont neuf à Idlib et huit à Homs.

Le coordinateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, avait déclaré mardi devant le Conseil de sécurité de l’ONU que le conflit en Syrie avait fait « plus de 9000 » morts depuis le début de la contestation dans le pays à la mi-mars 2011.

Le mouvement initialement pacifique s’est radicalisé face à la violence des forces de sécurité et a été rejoint par des déserteurs de l’armée. Le régime alaouite du président Bachar el-Assad affirme que l’opposition est manipulée par l’Occident et qu’il affronte un complot terroriste de l’étranger visant à déstabiliser le pays.

À Istanbul, où se tient dimanche une nouvelle réunion du groupe des Amis du peuple syrien, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan ne dissimule pas un certain desarroi. Le régime alaouite, constate-t-il, « continue de tuer » en dépit de toutes les pressions, appels au départ de Bachar el-Assad, discussions ou plans comme celui de Kofi Annan. Comme lors de la première réunion, le 24 février à Tunis, la Russie et la Chine ont décliné l’invitation.

« Il semble que la communauté internationale continue à s’épuiser à rechercher toutes les solutions diplomatiques, toutes les solutions qui n’impliquent pas une intervention militaire », relève Bassam Imadi du Conseil national syrien (CNS), l’un des principaux groupes de l’opposition.

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« Tout ce que fait le régime est gagner du temps, encore et toujours, dans l’espoir d’écraser le soulèvement, que les gens rentrent chez eux. Mais bien sûr, ce n’est pas ce qui va se passer », veut croire M. Imadi.

Reste que pour la Turquie et les Etats-Unis, une intervention militaire n’est pas à l’ordre du jour, a rappelé l’ambassadeur américain en Turquie, Francis Ricciardone. C’est une solution « absolument de dernier recours, indésirable », a-t-il souligné.

« Nous travaillons dans les limites du droit international et de la diplomatie (…) C’est une situation sans réponses faciles, simples. Il n’y a pas de magie », résume-t-il.

Plusieurs théâtre d’affrontements

Sur le terrain, des hommes armés ont tué par balle deux colonels dans le centre de la ville d’Alep, la plus grande ville de Syrie. L’agence de presse SANA a attribué l’attaque à quatre assaillants appartenant «à un groupe terroriste armé». Les colonels Abdel-Karim al-Rai et Fouad Shaban se rendaient à leur travail.

À Ghouta, une ville située à quelques kilomètres de Damas, des hommes armés ont enlevé le pilote militaire Mohammad Omar al-Dirbas alors qu’il se rendait lui aussi à son travail, selon SANA. L’agence n’a pas précisé où les trois militaires travaillaient et quelles étaient leurs fonctions précises. Personne n’a revendiqué la responsabilité des attaques.

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Des rebelles ont par ailleurs pris en embuscade un camion de l’armée et ont tué deux soldats dans la province de Hama, dans le centre du pays, selon des militants. Des affrontements ont aussi éclaté pendant la journée entre les troupes gouvernementales et des déserteurs de l’armée dans le nord et le sud du pays.

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme a rapporté qu’au moins cinq civils avaient été tués dans des raids de l’armée contre des villages rebelles de la province d’Idlib, le long de la frontière avec la Syrie. L’Observatoire a aussi signalé des affrontements dans la ville de Dael, dans le sud du pays.

Selon l’Observatoire, les forces de sécurité ont tué au moins 16 civils à travers le pays jeudi, tandis qu’une autre organisation, les Comités locaux de coordination, ont avancé un bilan de 31 civils tués, dont un enfant et deux femmes.

Les attaques perpétrées jeudi par les rebelles armés ont mis en évidence la crainte du gouvernement syrien: l’acceptation et la mise en application du plan des Nations unies, qui appelle à un cessez-le-feu complet, risque de signer la fin d’un régime autoritaire qui s’est largement appuyé sur la force pour se maintenir au pouvoir pendant quatre décennies.

Mercredi, des militants syriens avaient appelé les organisations humanitaires internationales à se rendre d’urgence à Saraqeb, ville du nord de la Syrie, où les forces de sécurité ont tué, selon eux, plus de 40 personnes au cours des quatre derniers jours.

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Les Comités locaux de coordination font état de la présence de nombreux corps non identifiés et de blessés dans les rues de Saraqeb. Ils précisent que l’armée syrienne a lancé dimanche une vaste offensive contre la ville, semant la mort et la destruction.

Selon les Comités locaux et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), basé à Londres, des centaines d’habitations et de commerces ont été pillés et brûlés, ce que semblent confirmer des images vidéo tournées à Saraqeb. L’armée syrienne contrôle totalement la ville désormais, selon un militant.

Par ailleurs, trois soldats syriens ont été tués lors d’affrontements avec des rebelles dans la province de Homs, a annoncé mercredi l’OSDH. Les incidents ont commencé quand les forces gouvernementales ont tenté de pénétrer dans la ville de Rastan. Des affrontements avaient également lieu mercredi dans la province de Deir el-Zour, à la frontière avec l’Irak.

Visite d’Assad à Homs

Selon l’agence de presse officielle SANA, le président El-Assad s’est rendu mardi dans le quartier de Baba Amr à Homs, repris à l’insurrection après un mois de siège et de combats qui ont fait des centaines de morts.

Sur des images diffusées par la télévision syrienne, on pouvait voir Bachar el-Assad, apparemment détendu, promettre que le quartier serait reconstruit «mieux qu’il n’était avant». Il a été accueilli par des résidants qui criaient: «Nous sommes avec vous jusqu’à la mort!»

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Deux responsables libanais de la sécurité, l’un de la police et l’autre de l’armée, ont par ailleurs déclaré sous le couvert de l’anonymat que des balles tirées lors de combats dans la zone de Machareaa al-Qaa, en Syrie, avaient traversé la frontière.

Deux autres témoins s’exprimant sous couvert d’anonymat ont dit avoir vu plusieurs dizaines de soldats entrer au Liban. D’après l’un d’eux, des soldats syriens ont incendié plusieurs maisons.

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