Le Québec a son «scientifique en chef»

Un programme ambitieux

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Publié 22/11/2011 par Isabelle Burgun (Agence Science-Presse)

Conseiller le ministre responsable de la recherche scientifique au Québec et superviser trois fonds de recherche: un programme ambitieux qui attend le premier «scientifique en chef» du Québec, Rémi Quirion.


Agence Science-Presse (ASP) — Quel est votre nouveau rôle et quels seront les principaux défis que vous aurez à relever?


Rémi Quirion (RQ) — Ma première fonction est d’être le conseiller scientifique de Sam Hamad, le nouveau ministre québécois du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation. La seconde est de présider les trois Fonds de recherche qui misent sur l’excellence du Québec en matière de santé, de nature et technologies et de société et culture.


J’aurai comme principal défi de faire parler ces trois mondes afin que la prochaine génération de chercheurs soit mieux adaptée au monde de demain. J’aurai également à élaborer de grands projets intersectoriels, initiés par le gouvernement ou des idées issues de la communauté.


Par exemple, lorsqu’on parle de la santé, on pense au médecin et aux maladies, mais l’avenir laissera encore plus de place à la prévention. C’est pourquoi les architectes, les ingénieurs et même les travailleurs sociaux devront travailler ensemble pour imaginer une ville où nous vivrons en santé.


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ASP — Le citoyen est devenu méfiant face à la science. Comment réhabiliter le dialogue entre citoyens et scientifiques?


RQ — Il faut être le plus ouvert possible. Il faut une communication continuelle. Cette méfiance existait aussi il y a 100 ans.


Ce qui me préoccupe plus, c’est qu’avec l’arrivée d’Internet, il se publie beaucoup de faussetés. Pour contrer ça, le gouvernement et les universités se doivent de publier de l’information et elle doit être la plus factuelle possible.


ASP — Les scientifiques canadiens se disent muselés: qu’en pensez-vous?


RQ — On dit la même chose aux États-Unis. Mais le Québec est assez ouvert. Les scientifiques peuvent parler librement ici. Je pense qu’il faut continuer à pousser les résultats de la recherche. Bien sûr, les résultats doivent être clairs. Il faut se baser sur des faits, sur du solide.


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ASP — Quels moyens suggérerez-vous au ministre pour contrer l’ingérence politique dans la recherche?


RQ — Je suis le conseiller scientifique du ministre, mais celui-ci n’a pas d’entrée particulière au sein des fonds de recherche. Chaque fonds a un conseil d’administration indépendant rassemblant 15 personnes. Bien sûr, il y a un représentant du ministre, mais chaque conseil est souverain.


Plus généralement, il n’y a pas de lignes directrices à établir, nous n’en sommes pas là. Il faut cependant être vigilant, ne pas se déconnecter de ce qui se passe autour et promouvoir une recherche indépendante.


ASP — La Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI) encourage les partenariats entre le milieu de la recherche et l’industrie privée. Que pensez-vous faire pour rendre ces liens d’affaires, souvent méconnus du public, plus transparents?


RQ — Le gouvernement a un rôle à jouer. Il doit encourager très tôt les partenariats. Ils doivent être aussi plus larges qu’un contrat entre un chercheur particulier et une entreprise.


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Dans le domaine de la biopharmaceutique, par exemple, c’est plus compliqué, comme tout ce qui touche à l’humain. Mais ce type de partenariat – d’un à un – peut changer sous la pression. Il peut y en avoir moins. Et les règles, être plus strictes aussi.


Les universités et leurs partenaires doivent aussi travailler davantage avec les médias pour faire connaître leurs liens. Il faut être le plus ouvert possible.


ASP — Comment allez-vous vous assurer que les sciences humaines et sociales – souvent vues comme moins rentables — ne deviendront pas les grandes négligées de la SQRI?


RQ — En étant en contact avec les experts du Fonds de recherche Société et Culture, je tenterai de les amener à s’approprier des domaines moins traditionnels. La philosophie par exemple: elle touche à l’éthique et a un rôle à jouer en santé.


La culture et les arts sont également très importants au Québec, c’est une industrie importante. Il faut donc penser le rôle de ces experts un peu différemment. Il faut mettre les trois groupes ensemble pour qu’ils se découvrent les uns et les autres pour les amener plus loin.


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ASP — Les trois Fonds de recherche du Québec auront-ils les mêmes budgets et les mêmes priorités?


RQ — Le budget du Fonds de recherche du Québec – Santé est de 100 millions $, celui du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies est de 50 millions $, tout comme celui du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture. Il faut ajouter un autre étage, celui de l’intersectoriel où des projets rassembleurs seront développés.


ASP — Seriez-vous ouvert à la tenue d’une grande consultation publique au Québec sur la politique scientifique et ses priorités?


RQ — Oui. Les Fonds de recherche devront développer un plan stratégique. Le gouvernement songe déjà à la 3e stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation. Nous pourrions faire appel au public.


ASP — Les universités québécoises traversent une crise d’identité et de financement. Ne serait-il pas le temps de lancer des États généraux de l’université au Québec?


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RQ — La Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec réfléchit à tout ça. Il faut en effet repenser l’université. Depuis 1000 ans, le modèle n’a guère changé. Est-ce que la faculté de médecine répond toujours aux besoins de formation des médecins d’aujourd’hui? Je ne pense pas.


Un futur médecin pense de plus en plus à acquérir une formation personnalisée. C’est un peu comme la pige: un peu de sociologie, un peu de linguistique, de la chimie, etc.


Le modèle linéaire ne convient plus. Il faut que l’université soit plus flexible. Elle doit être le reflet de notre société. Cette réflexion doit se faire avec le gouvernement et tous les ministères impliqués ce qui aura certainement un impact sur les financements.


ASP — Les scientifiques passent de nombreuses heures en demande de financement, que peut-on faire pour alléger le processus? Et comment encourager la relève scientifique?


RQ — Il n’y a pas de solution facile. Mener une carrière est devenue plus complexe en raison de toutes ces demandes de subventions. On exige beaucoup d’information et le ratio de succès est faible (15-20 % des demandes).


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Il faudrait demander, dans un premier temps, uniquement ce dont on a vraiment besoin. Si la demande est acceptée, alors on demande plus de paperasse pour valider. Le chercheur doit avoir du temps pour faire de la recherche.


La science avance rapidement et elle est fascinante. Mais cela coûte cher de faire de la science aujourd’hui. Et cela prend du temps pour convaincre les financiers d’embarquer — 10 ans parfois.


Le financement est une des grandes barrières. On compte sur le gouvernement, mais il faut penser à des solutions alternatives, comme la philanthropie «à l’américaine», en ayant recours à des mentors qui servent d’intermédiaires.


Pour les jeunes, il faut les impliquer et les reconnaître. Chacun des conseils d’administration des fonds de recherche comprend un membre étudiant. Il faut aussi travailler plus étroitement avec les journalistes pour souligner la contribution des plus jeunes à la vie scientifique et convaincre la jeune génération qui a réussi de participer aux projets de l’ensemble de la société.


Qui est Rémi Quirion?


Professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill et directeur scientifique du Centre de recherche de l’Institut Douglas, Rémi Quirion se passionne pour le cerveau.


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Spécialiste de la maladie d’Alzheimer, du vieillissement et de la schizophrénie, ce chercheur émérite est le récipiendaire de nombreux prix — l’Ordre national du Québec (2003), le prix Wilder-Penfield des Prix du Québec (2004), l’Ordre du Canada (2007).

www.sciencepresse.qc.ca

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