Le gouvernement Harper a miné la confiance du public dans les tribunaux

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Publié 09/06/2009 par Gérard Lévesque

Le gouvernement fédéral a le pouvoir exclusif de nommer les juges des cours de niveau supérieur des provinces. La nomination, le 20 mai 2009, de Ron Stevens à la magistrature va à l’encontre de la position de l’Association du Barreau canadien (ABC) selon laquelle, pour éviter toute apparence de favoritisme politique, aucun ministre ne devrait être nommé directement à la magistrature, sauf après une période intermédiaire de deux ans suivant la date de sa démission du cabinet.

Or, quelques jours avant d’accéder à la magistrature, Ron Stevens était le numéro 2 de la politique albertaine.
Déjà en 1985, deux rapports de l’ABC dénonçaient les nominations de politiciens à la magistrature. Le Comité sur l’indépendance du pouvoir judiciaire au Canada, présidé par Louis-Philippe de Grandpré, présentait ainsi la problématique:

« Il existe des directives qui interdisent aux anciens politiciens de participer à des activités commerciales impliquant le gouvernement pendant au moins deux ans après s’être retirés de la vie politique. Il serait même impropre pour eux de vendre des crayons au gouvernement. Toutefois, paradoxalement, on a décidé qu’il n’était pas impropre pour un politicien de passer sans transition de la Chambre des communes à la magistrature. Au cours des récentes années, nous avons vu des ministres du Cabinet démissionner de leurs fonctions un jour et de se retrouver pratiquement le lendemain sur le banc de tribunaux où très souvent le gouvernement est partie aux litiges. Cela fut même le cas d’un ancien ministre de la Justice. Il est difficile de préserver l’apparence d’une magistrature indépendante par de telles pratiques, peu importe les compétences et l’honnêteté de ces juges. »

Pour sa part, le Comité sur la nomination des juges au Canada signalait qu’une des principales insatisfactions était l’importance du favoritisme politique sur les nominations à la magistrature.

De toute évidence, le gouvernement Harper n’est pas d’accord à imposer une période d’attente de deux ans avant de permettre à un ministre de poser sa candidature à une nomination à la magistrature.

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Il me semble toutefois que les cinqs jours qui se sont écoulés entre la démission du vice-premier ministre de l’Alberta et sa nomination à la magistrature lui ont accordé très peu de temps pour quitter son habit de politicien en vue de revêtir la toge de juge, très peu de temps pour quitter son bureau de l’Assemblée législative de l’Alberta où il a été député de Calgary-Glenmore (11 mars 1997 – 15 mai 2009), son bureau de circonscription lequel est situé devant celui du député fédéral Stephen Harper (c’est pratique de visiter le bureau du député fédéral et du député provincial lorsqu’ils sont séparés que de quelques pieds) et son bureau de ministre des Relations internationales et intergouvernementales.

Cinq jours, c’est peu de temps pour tourner la page d’une carrière politique où il a été entre autres ministre de la Justice et procureur général (25 novembre 2004 – 12 mars 2008) mais c’est suffisamment de temps pour s’interroger s’il y a politisation du pouvoir judiciaire ou judiciarisation du pouvoir politique.

Pour assurer une saine administration de la justice, nous avons besoin d’un nouveau débat sur le processus fédéral de nomination à la magistrature.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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