Le droit de vote avant la citoyenneté?

Des électeurs potentiels convoités

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Publié 16/06/2009 par Vincent Muller

Comment faire pour que davantage de torontois participent à la vie politique de leur ville? Pour le maire David Miller, la réponse se trouve dans l’attribution du droit de vote, lors des municipales, aux nombreux résidents permanents que compte la capitale ontarienne. Afin que le gouvernement en discute «le public doit se mobiliser» insistait-il mercredi soir lors d’un forum sur la question, organisé à l’Hôtel de ville. À cette occasion étaient invités Astrid de Vries, Consule des Pays-Bas à Toronto, Diana Salas, directrice associée de Women of Color Policy Network et membre de la Coalition pour étendre le droit de vote dans la ville de New York ainsi qu’Alan Broadbent, président de la Fondation Maytree, et auteur de Urban nation: why we need to give power back to the cities to make Canada strong.

La position des invités présents au forum est sans ambiguïté: ils ont chacun développé les aspects positifs de la participation d’étrangers résidents à la vie politique municipale. Introduisant le forum, le maire soulignait le fait que «les résidents permanents payent leurs taxes et utilisent les services comme les autres», ajoutant que «ceux qui utilisent les services devraient avoir le droit de juger ces services».

Ce sont à peu près les mêmes arguments qui ont étés soutenus par Astrid De Vries venue parler de l’exemple des Pays-Bas où, depuis 1985, les étrangers qui y résident depuis au moins cinq ans participent à la vie politique de leur ville. «Cette loi était en discussion depuis les années 1970. Elle a mis du temps à passer car il a fallu modifier la constitution pour ça», explique-t-elle, précisant que ce changement voulu par le parlement est «venu du haut».

D’après la consule des Pays-Bas, le bilan est positif: «ceci renforce significativement l’implication des résidents dans la vie politique des villes». Décrivant certains des résultats elle précise que: «Le nombre de conseillers municipaux non-citoyens augmente et ils ne représentent pas forcément que des électeurs de leur communauté», citant à ce propos l’exemple d’une conseillère municipale marocaine élue dans une circonscription où vivent presque exclusivement des néerlandais aisés.

Aux États-Unis, le fait que la constitution n’ait pas besoin d’être modifiée et que dans plusieurs villes du Maryland les immigrants votent déjà aux municipales sont des arguments pour la Coalition pour étendre le droit de vote dans la ville de New York. La directrice associée de cette coalition, Diana Salas, donnait son point de vue sur le sujet: «Les immigrants sont directement concernés par des questions telles que le logement, l’éducation l’accès aux services de santé dans leur voisinage, par conséquent ils devraient pouvoir s’exprimer aux élections municipales».

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La jeune femme ajoute que «durant les 150 premières années de l’Histoire des Etats-Unis les immigrants votaient pour toutes les élections». Pour elle et les membres de la coalition, tout étranger résidant dans la ville depuis au moins six mois devrait pouvoir voter, sans quoi «il est trop facile de les ignorer».

Alan Broadbent a enfoncé le clou en soulignant que dans une trentaine d’États à travers le monde, les étrangers résidents peuvent déjà voter au municipales et qu’en Nouvelle-Zélande leur participation à toutes les élections est possible après un an de résidence.

Le président de la Fondation Maytree a poursuivi avec des données sur le Canada rappelant l’évolution du droit de vote au pays et le chemin parcouru au cours du siècle précédent. Permettre au résidents permanents de voter aux municipales est, pour ce dernier, une suite logique à l’accord du droit de vote successif à certaines minorités, aux femmes ainsi qu’aux membres des Premières nations.

Comparaison maladroite

Si le fait de vouloir inclure les résidents permanents dans la politique municipale de leur ville était soutenu par la majorité des 150 personnes présentes lors du forum, il n’en reste pas moins que l’idée a essuyé des critiques.

«Des études ont prouvé que les immigrants devenus canadiens participent très faiblement aux élections», affirmait une personne lors de la séance de questions, «est-ce qu’il ne serait pas plus important de faire en sorte que ces citoyens s’impliquent davantage avant de parler d’accorder le droit de vote aux résidents permanents?»

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Une autre personne opposée à cette idée expliquait: «Je suis moi-même un immigrant, je vis au Canada depuis 11 ans. À l’époque où je suis arrivé il fallait être résident permanent, présent sur le sol canadien durant trois ans sur une période de six ans pour obtenir la citoyenneté et donc pouvoir voter, c’est encore plus simple qu’aux Pays-Bas».

Les exemples donnés par Astrid de Vries et Diana Salas concernent effectivement des pays où les lois sur l’immigration et la citoyenneté sont très différentes de celles du Canada. La comparaison avec les États-Unis, où la nationalité n’est accessible qu’après 10 ans de résidence, ou bien avec les Pays-Bas, qui n’autorisent pas la double nationalité et qui permettent aux étrangers de voter seulement au bout de cinq ans, semble donc assez maladroite.

De plus, on peut se demander pourquoi des résidents permanents tout juste arrivés pourraient voter immédiatement alors que les résidents temporaires présents depuis plus longtemps ne le peuvent pas.

Étant donné les nombreuses préoccupations des immigrants dans les premières années qui précèdent leur arrivée et la faible participation aux élections des personnes naturalisées canadiennes, il n’est pas très risqué de parier que la mobilisation attendue par David Miller ne soit pas au rendez-vous.

Sessions d’information

Concernant l’implication des torontois dans la politique de leur ville, la municipalité invite les personnes qui le désirent à s’inscrire pour participer à des sessions d’informations sur le fonctionnement du gouvernement municipal. Ces six sessions auront lieu entre septembre et décembre.

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Les inscriptions sont gratuites et doivent se faire avant le 23 juin en ligne sur www.toronto.ca/civic-engagement ou par téléphone au 416 392 8592.

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