Le droit à l’utilisation du français devant les tribunaux des régions non désignées

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Publié 30/03/2010 par Gérard Lévesque

Vingt-trois régions de l’Ontario sont désignées bilingues en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Toronto, Hamilton et le comté de Simcoe font partie de ces régions, mais non l’agglomération de Simcoe laquelle est dans le comté de Norfolk. Dans l’affaire Tremblay c. Picquet entendue le 19 mars 2010, Maître Gary Shortliffe a présenté avec succès une requête visant à faire reconnaître les droits linguistiques de sa cliente. Voici un résumé des faits.

Lors de leur union matrimoniale en Belgique en août 1992, Laurence Picquet et Richard Tremblay signent un contrat de mariage rédigé en français.

En 1997, alors qu’ils sont résidents du Québec, les deux conjoints signent un accord de séparation rédigé en français. L’époux dépose en français une requête en divorce à laquelle l’épouse répond en français.

Le 22 octobre 1997, la Cour supérieure du Québec rend en français un jugement de divorce qui accorde à l’ex-épouse la garde des deux enfants et l’autorise à retourner vivre en Belgique avec les deux enfants et ordonne à l’ex-époux de payer une pension alimentaire.

Après avoir terminé son emploi au sein des Forces armées canadiennes, Richard Tremblay s’établit près de Delhi, dans le Sud de l’Ontario. Il dépose au tribunal de Simcoe une requête rédigée en anglais pour faire modifier les dispositions du jugement de divorce.

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Sa documentation inclut le jugement de divorce rendu en français auquel il a joint une traduction sans attestation quant à son exactitude.

Le 5 février 2010, Maître Shortliffe demande que l’instance soit bilingue. Les préposés au tribunal répondent qu’une instance bilingue ne peut pas être tenue à Simcoe parce que le tribunal de cet endroit n’est pas une Cour de la famille de la Cour supérieure de l’Ontario et n’est pas inclus dans la liste des régions désignées par la Loi sur les tribunaux judiciaires et que les documents ne peuvent être déposés en français sans le consentement de l’autre partie.

Toute la documentation de l’ex-épouse est en français; on y retrouve entre autres de la correspondance avec le Bureau des obligations familiales de l’Ontario.

Bien que sa première langue soit le français, l’ex-époux refuse de consentir au dépôt de documents en français alléguant que sa nouvelle épouse est unilingue anglaise et qu’elle va l’assister dans sa démarche.

Maître Shortliffe dépose donc une requête pour obtenir une ordonnance permettant le dépôt en français à Simcoe des actes de procédures et des documents de l’ex-épouse ou, en alternative, le transfert de l’instance à la Cour de la famille à Hamilton.

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Par sa décision du 24 mars 2010, le juge Michael Dale Parayeski donne raison à Maître Shortliffe. Le passage important de cette décision est le suivant: «…no substantive inconvenience would be triggered by moving the action to Hamilton…»

«Transfer would overcome the anomaly of the Superior Court of Justice at Simcoe being one of the few courts in the province at which the filing of documents in French without consent is not permitted, thus allowing for the meaningful and complete exercise of the respondent’s substantive right to a bilingual proceeding. The applicant disputes either type of relief being sought, arguing that the respondent can communicate in English, that his wife, who is assisting him with his case, cannot read French, and that it would be inconvenient to travel to Hamilton. The respondent’s alleged ability to communicate in English does not disentitle her to a bilingual proceeding… The applicant can read and speak French. Translation for the non-party wife can be provided by him or by the court itself … The minor inconvenience of travel to Hamilton is offset by the importance of the right being protected. This action shall be transferred to the Family Court at Hamilton.»

Cette décision confirme le fait que, si une partie ne donne pas son consentement à la déposition de documents en français, la Cour peut transférer le dossier à un tribunal avoisinant qui accepte de plein droit le dépôt de documents en français.

À mon avis, la partie de la citation en italique devrait inciter le procureur général de l’Ontario à corriger l’anomalie décrite par le juge en ajoutant le comté de Norfolk à la liste des régions désignées ou en établissant à Simcoe une Cour de la famille de la Cour supérieure de l’Ontario, ou mieux encore, en éliminant cette liste pour faire comme en droit criminel: désigner toute la province pour l’exercice des droits linguistiques devant les tribunaux. Les conseillers du ministre Chris Bentley lisent-ils cette chronique?

Avant d’être nommé juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 19 juin 2009, le juge Parayeski, était avocat au cabinet Agro Zaffiro , à Hamilton, où il exerçait dans le domaine de la défense dans les affaires d’assurances, notamment les préjudices corporels et la négligence professionnelle.

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À la suite de deux ans d’études dans un programme de spécialisation en histoire à l’Université Dalhousie en 1974 et de l’obtention d’un baccalauréat en droit de l’Université Western Ontario en 1978, il a été reçu au Barreau de l’Ontario en 1980.

Le texte intégral de la décision du juge Parayeski est disponible au lien suivant: http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=3801

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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