On reproche souvent à Stephen Harper de se comporter comme un George W. Bush: œillères idéologiques, entourage suspect, influence perverse de puissants groupes d’intérêt, privatisation à outrance, mainmise sur les médias, mépris d’un secteur «culturel», tendance à investir dans l’armée, la police, la sécurité, etc. Le qualificatif «caché» pour décrire son agenda saisit bien les inquiétudes. Ce thème omniprésent dans la campagne électorale aura fort probablement contribué au maintien du Bloc au Québec, un électorat plus sensible à des considérations de vigilance.
Les voteurs du RdC risquent cependant de vite regretter d’avoir accordé en majorité leur confiance aux Conservateurs, tout comme l’électorat américain au terme du dernier mandat des Républicains. Oui on s’entend tous pour reconnaître que Harper est beaucoup plus futé que son confrère américain. Mais voyons voir les signes avant-coureurs d’un Waterloo en vue. Les grandes failles ont cette tendance à se manifester durant les périodes de bouleversement tel que vécus présentement sur toute la planète.
Stephen Harper courtisait durant les derniers jours de la campagne le vote québécois en suggérant que les Albertains n’étaient pas nécessairement tous vendus à l’industrie pétrolière… tout comme lui. Qu’il était donc digne de leur confiance. Ce faisant, il est allé jusqu’à suggérer l’étrange comparaison de l’influence de l’industrie du sirop d’érable au Québec???
On pourra certes blâmer la fatigue pour ce bref manque de jugement, tout comme lorsque Dion n’a pu répondre à la question pertinente de Global («what would you have done?») sans que l’intello s’embourbe dans des considérations de «clarté». Notons incidemment comment les médias anglophones ont ignoré la bavure conservatrice.
De plus, au lendemain du vote, Stephen Harper exprimait sa déception pour les résultats au Québec et suggérait que Duceppe avait pu y passer beaucoup plus de temps. Harper est allé jusqu’à déclarer que, selon des «enquêtes internes», le vote conservateur avançait lorsqu’il était physiquement présent au Québec et reculait lorsqu’il s’en absentait.
Voilà tout le bobo de Stephen Harper, un narcissisme comme on a rarement vu au Canada. On imagine un délire similaire à celui de Harper de la part du président américain à la lecture du premier «rapport interne» d’armes de destruction massive. Notons que les médias anglophones ont également ignoré la bavure.
Kurt Vonnegut dénonçait dans le pamphlet Custodians of Chaos ces «personnalités psychotiques» malades qui réussissent à se hisser dans les plus hautes sphères du pouvoir parce qu’ils n’ont absolument aucune empathie pour ce que les autres peuvent ressentir. Et notre société gravement malade continue à leur accorder des promotions…
Le grand malade continue ainsi à diriger le Canada et demeure à ce jour complètement incapable de s’entourer de Québécois de prestance, c’est-à-dire confiants en eux-même et capables de rejoindre les gens avec la connaissance du terrain sans la lourdeur d’une structure militaire de «command/control».
Josée Verner et Maxime Bernier sont des exemples de Québécois incapables sur lequel Harper doit s’appuyer pour gouverner. Le reste de la députation québécoise conservatrice (à l’exception de Lawrence Cannon) se compare malheureusement au calibre des Verner & Bernier.
Malgré son opposition idéologique au gaspillage de fonds publics, Harper continuera vraisemblablement la pratique de dilapider au Québec. Malgré son discours de décentralisation de l’État canadien, le Premier-ministre demeure incapable de pratiquer le «walk the talk».