Le dernier amour d’Antoine de Saint Exupéry

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Publié 28/07/2009 par Gabriel Racle

Et ce fut certainement son tout dernier amour! Loulou, Anne, Nathalie, Nada, Hedda, Consuelo, autant de prénoms féminins, autant de femmes qu’il avait chéries, à un moment ou l’autre de sa vie, plus ou moins longtemps, au gré des circonstances. Mais il en manquait une, une inconnue pour nous, puisque nous ne pouvons pas ajouter son prénom à la liste ci-dessus, une qui fut certainement le dernier amour de sa vie…

De la vie d’Antoine de Saint Exupéry, ce très célèbre auteur français de nombreux livres aux tires évocateurs et qui nous sont familiers, comme L’Aviateur, Courrier Sud, Vol de Nuit, Terre des Hommes, Pilote de Guerre et surtout Le Petit Prince.

Un conte de fée?

Et ce Petit Prince ne disait-il pas: «Les contes de fées c’est comme ça. Un matin, on se réveille. On dit: «Ce n’était qu’un conte de fées.» On sourit de soi. Mais au fond, on ne sourit guère. On sait bien que les contes de fées, c’est la seule vérité de la vie.» Et ce conte de fée semble bien être le dernier amour de Saint Exupéry, que nous révèlent les Lettres à l’inconnue, publiées chez Gallimard dans un superbe petit livre, grand format, incluant les dessins inédits qui accompagnaient les textes.

Cette histoire d’amour avec cette inconnue, qu’il appelle «Petite fille …», s’est déroulée en 1943, en Algérie devenue partie de la France libre.

En mai, Saint Exupéry, après avoir passé plus de deux ans aux États-Unis, rejoignait Alger pour reprendre l’action militaire auprès du groupe de reconnaissance aérienne 2/33.

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Une histoire d’amour

Au printemps, dans le train entre Oran et Alger, Saint Exupéry croise une jeune ambulancière âgée de 23 ans. Le pilote quadragénaire tombe sous le charme, mais la jeune femme est mariée.

Très épris d’elle, il s’engage dans une correspondance qui serait restée ignorée, si ses lettres adressées à cette femme n’étaient réapparues en novembre 2007, lors d’une vente aux enchères. Acquises par le Musée des lettres et des manuscrits de Paris, elles paraissent aux éditions Gallimard.

Cette correspondance amoureuse ne compte qu’une vingtaine de feuillets. Elle nous révèle bien des aspects intimes de l’auteur. Il s’identifie avec le Petit Prince, présent non seulement par des croquis illustrant des lettres, mais également par les paroles qu’il lui prête.

«C’est triste… elle ne pense pas à me téléphoner…» Saint Exupéry livre sa tristesse, sa peine, sans retenue, autant par les paroles que par l’expression des dessins.

On retrouve le style du Petit Prince, de rédaction encore très proche, et même des gestes. Il dessine pour son héros porte-parole une petite princesse, qui est «bien plus gentille que vous», écrit-il à l’inconnue.

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Tentative pour rendre jalouse celle qui ne répond pas? Compensation pour son absence?

La disparition de l’auteur

La dernière lettre est très énigmatique. Le 31 juillet 1944, l’auteur disparaissait au cours d’un vol de reconnaissance. On a beaucoup épilogué sur cette disparition, car on ne retrouvait pas trace de l’avion disparu.

À l’époque de la rédaction du Petit Prince, Saint Exupéry aurait connu une sévère dépression, une des périodes les plus noires de sa vie. On a même dit que son insistance à vouloir voler de nouveau dans les Forces françaises libres et sa mort au combat étaient une sorte de suicide déguisé.

Il avait perdu l’élan vital et le goût de vivre: comme dans le livre «… quelque chose s’était cassé» (panne de moteur).

On a parlé du mystère de sa disparition, un peu par analogie avec celle du Petit Prince. Mais en mars 2008, un ancien pilote de la Luftwaffe, Horst Rippert, affirmait dans le journal La Provence avoir abattu un avion de type P-38 Lightning, le type d’avion que pilotait Saint Exupéry, le 31 juillet 1944.

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En mission pour retrouver un avion ennemi, il l’aperçoit à 3 000 mètres au-dessous de lui.

Il tire et touche l’avion qui tombe dans la Méditerranée. «Si j’avais su que c’était Saint Exupéry, l’un de mes auteurs préférés, je ne l’aurais pas abattu», a-t-il déclaré.

L’occasion de mieux le connaître

Tous les amoureux du Petit Prince, tous les lecteurs de Saint Exupéry ne manqueront pas cette occasion d’approfondir, avec ce petit livre, leur connaissance de cet auteur qui a charmé tant de générations de par le monde.

Il ne faut pas s’attacher à la simple apparence de ces courts textes, que l’on pourrait parcourir d’un œil rapide, mais s’attarder à «la substantifique moelle», pour reprendre la célèbre métaphore du prologue de Gargantua de Rabelais, pour saisir toute la sentimentalité de l’homme.

Et cette identification de Saint Exupéry avec son Petit Prince nous propose peut-être une lecture différente du livre lui-même.

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Si l’épopée du Petit Prince nous racontait, sous une fiction attendrissante et romanesque, l’histoire de Saint Exupéry lui-même?

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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