A-t-il vraiment créé de la vie, cette fois? Pour la troisième fois en trois ans, Craig Venter dit «oui». Et pour la troisième fois, les experts à qui on pose la question sont bien obligés de répondre «ben non».
L’annonce récente peut être qualifiée de percée (bio)technologique. Mais il reste tellement d’autres étapes avant de créer une vie de toutes pièces, qu’on peut se demander combien de fois durera ce jeu où une nouvelle «percée technologique» se transforme, par effet de marketing, en un «bond de géant pour l’humanité».
En langage simple, l’équipe de Craig Venter, de l’Institut Craig Venter, a copié-collé le génome d’un microbe A (Mycoplasma mycoides) et l’a inséré dans un microbe B, vidé de son propre génome (Mycoplasma capricolum). Le microbe B s’est alors mis à se diviser et à produire les protéines attendues du microbe A.
Dans le texte publié par Science et en conférence de presse, le Dr Venter n’a pas hésité à baptiser cela une «cellule synthétique», et à en parler comme d’un bond de géant qui permettra de fabriquer des microbes sur mesure, afin de produire, par exemple, des vaccins ou des biocarburants. «C’est une avancée philosophique en même temps qu’une avancée technologique.»
Séquence d’ADN copiée-collée
Mais en fait, on est encore loin de la production «sur mesure», et ça n’a rien d’une vie 2.0: le génome copié-collé existait déjà dans la nature, de même que la cellule qui l’a accueilli. C’est plutôt un exploit technologique, que d’avoir «copié-collé» avec précision une aussi longue séquence d’ADN. En revanche, pour produire des vaccins ou des biocarburants, il faudrait non pas copier-coller, mais réécrire de larges pages de ce génome. Et on n’est même pas sûr du nombre d’étapes nécessaires pour en arriver là.