Le cheminement gai de Mark Tewksbury

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Publié 03/10/2006 par Paul-François Sylvestre

Nageur olympique et médaillé d’or, Mark Tewksbury a été adopté en 1968 par une famille de Calgary et a grandi dans un milieu où on n’aurait jamais parlé d’homosexualité, sinon pour décrier ou ridiculiser ce comportement.

Lorsque Tewksbury s’est affiché ouvertement gai, à l’âge de 30 ans, il a secoué le milieu sportif dans son fondement on ne peut plus macho. Il raconte le chemin parcouru dans son autobiographie intitulée Inside Out: Straight Talk from a Gay Jock.

Mark Tewksbury décrit en détails et avec vivacité son enfance heureuse… jusqu’à la puberté. Il raconte qu’une de ses tantes vivait avec une dame, mais la famille n’a jamais discuté de la «nature de leur relation».

Il n’y avait pas de place pour ce genre de considérations à cette époque-là. «I was part of a family, like many others, that was well-trained to see only what it wanted to see», écrit-il en rétrospective.

Le jeune Mark aimait prendre son bain avec la poupée Barbie de sa sœur Colleen. Cela troublait son père pour qui l’univers était bon ou mauvais, et «boys with Barbie equal bad».

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Lorsque Mark rendait visite à sa grand-mère, elle le laissait se travestir et le petit-fils s’en donnait à cœur joie avec la perruque, les robes et les bijoux de son aïeule. Ce jeu demeurait, évidemment, un secret bien gardé.

À la puberté, Mark sait très bien que «Alberta boys only sleep with girls». L’adolescent ne se considère pas comme homosexuel parce que son fantasme consiste à faire l’amour avec un homme tout en étant travesti en femme. Il avoue qu’être gai ne le dérangeait pas.

C’était l’isolement et la solitude qui le traumatisaient: «I felt vulnerable and freakish, like I was the only person in the world with this affliction

Très jeune, Mark Tewksbury excelle à la nage et participe à diverses compétitions, remportant souvent les honneurs. À la fin de son adolescence, le sport lui a déjà permis de voyager en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, en Suède, en Allemagne, en Angleterre, en Russie et au Japon.

Il n’est pas sans remarquer que les gens vivent différemment d’un continent à l’autre. Témoin d’une panoplie de cultures et de coutumes, Mark se dit qu’il y a lieu d’avoir espoir: «I found signs of hope that it was okay to be different

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Au début de la vingtaine, l’athlète a déjà maîtrisé l’art de mentir en maniant le silence et l’omission, voire l’auto-déception et la fausse représentation.

Milieu olympique oblige! Après avoir remporté la médaille d’or aux Jeux de Barcelone, il décide de faire sa sortie du placard (son coming out) auprès de ses parents. Cela se passe le 11 novembre 1992, un jour dont la famille se souviendra.

Mark ne tarde pas à se rendre compte que la gloire olympique peut être source d’isolement car les gens réagissent à l’idée qu’ils se font de l’athlète, pas du vrai Mark Tewksbury. C’est la dépression post-olympique.

Le médaillé d’or décide de déménager en Australie pour être plus libre. Pas juste être gai, mais vivre dans un milieu où on peut en parler librement.

Il accepte néanmoins de travailler avec les plus hauts dirigeants du mouvement olympique, mais demeure incapable de parler ouvertement de son identité. La culture olympique voit et entend ce qu’elle veut bien voir et entendre.

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Lors d’une entrevue à la télé, Mark Tewksbury agit le plus naturellement possible. On lui reproche de s’être comporté d’une manière «trop gaie» et on annule un important contrat de conférences.

Sa réaction est la suivante: «I was too Gay? Fuck you! Maybe I wasn’t gay enough!» Son coming out public se fait quelque jours plus tard lors d’un one-man show au Buddies in Bad Times Theatre de Toronto, le 15 décembre 1998. Les médias en font leurs choux gras.

Lorsque Montréal pose sa candidature pour les Jeux gais de 2006, Tewksbury est invité à être le porte-parole anglophone. Il accepte et s’engage à 110%.

Il découvre qu’il avait compétitionné, dans le passé, avec au moins cinq nageurs gais sans jamais le savoir. La Fédération des jeux gais commence à mettre les bâtons dans les roues de Montréal. Le comité international des jeux gais se demande ce qui arrivera si l’athlète devait se retirer. «Does anybody else on the Montreal team speak English?» La suite est connue. Montréal présentera les premiers Outgames en août 2006.

Inside Out: Straight Talk from a Gay Jock est un ouvrage d’une grande franchise et d’une belle sensibilité. Il a été écrit pour renverser la vapeur, pour faire échec à cette attitude encore trop courante: «Many of us were shown very young that gay was one of the things it was okay to collectively ridicule and despise». C’est cette attitude que Mark Tewksbury cherche à combattre depuis bientôt dix ans.

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Mark Tewksbury, Inside Out: Straight Talk from a Gay Jock, John Wiley & Sons Canada, Mississauga, 2006, 262 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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