Le Caravage, un peintre révolutionnaire

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Publié 13/07/2010 par Gabriel Racle

Le 18 juillet 1410 s’éteignait en Italie, dans une pittoresque petite ville de Toscane, Porto Ercole, Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage. Entouré de légendes, comme aucun autre artiste, ce n’est que tardivement, au XXe siècle, que l’on a pleinement reconnu son génie.

Michelangelo Merisi est né le 29 septembre 1571 à Milan. Son père travaille pour le marquis de Caravaggio, un peu comme homme à tout faire, contremaître, maçon, architecte et intendant.

Mais la peste de 1576 contraint la famille à retrouver sa ville d’origine, Caravaggio, en Lombardie. Cette petite ville de son enfance vaudra au futur peintre son nom d’artiste. Très vite, celui-ci perd son père en 1577, et sa mère quelques années plus tard, en 1584. Ces deux décès peuvent expliquer en partie la vie agitée de l’homme.

Comme c’est alors l’usage, il entre à Milan dans l’atelier du peintre Simone Peterzano, un élève du Titien, au style réaliste, dont il a dû tirer des leçons. Il y passe quatre ans. On le retrouve à Rome, vers l’âge de 20 ans, dans l’atelier d’un peintre sicilien, Lorenzo Siciliano.

D’après le chroniqueur contemporain Baglione: «Il vint chez Lorenzo Siciliano à Rome où, étant dans un besoin extrême et nu, il faisait les têtes à un grosso l’une, et en faisait trois par jour.» Un grosso était une petite monnaie. Pendant deux ou trois ans, il mène à Rome une existence misérable, changeant sept fois de domicile.

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Une vie chaotique

On connaît assez mal la vie du Caravage dans ces années romaines. Il s’est forgé une réputation de personnage violent et querelleur. «Il fréquentait les bas-fonds de Rome, les auberges mal famées, vivait en communion d’esprit avec les couches les plus démunies de la ville. »

Pour survivre, il peint de petits tableaux, comme un jeune garçon mordu par un lézard vert sortant d’un amas de fruits, un concert donné par quelques jeunes gens, un enfant qui pèle un fruit, un Bacchus, tout en copiant des œuvres pour des amateurs peu fortunés.

Un cardinal influent le remarque et le prend sous sa protection. Il peint de nombreux tableaux pour répondre à des commandes et connaît un grand succès. Il se bagarre toujours, fait de la prison, se bat en duel, tue son adversaire et fuit Rome. Il va à Naples, puis à Malte, où il peint le portrait du Grand-maître, mais se retrouve en prison.

Il s’évade, revient en Sicile, puis à Naples, où il est blessé dans une bataille. En 1610, il apprend que le pape est disposé à le gracier. Il s’embarque sur une felouque, fait escale à Porto Ercole, tombe malade et meurt à l’hôpital.

Sa mort est restée longtemps mystérieuse. Mais en 2010, on a retrouvé ses restes confirmant qu’il était atteint de syphilis et d’une intoxication chronique au plomb ou saturnisme, du nom de Saturne, symbole du plomb en alchimie. Le Caravage aurait donc été tué par sa peinture.

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Œuvres

La liste de ses œuvres va, selon les auteurs, de 73 à 87. Plus que le nombre de ses productions, c’est son style, son choix des sujets, sa nouveauté, qui retiennent l’attention, comme ils ont parfois déplu à son époque. Très tôt, se manifeste son goût pour des tableaux réalistes, des scènes ordinaires de la vie, des scènes bibliques traitées de la même façon.

Dans sa Vie du Caravage, le critique d’art Giovanni Bellori (1613-1696) écrit: « Alors commença l’imitation des choses viles, la recherche de la réalité et de la difformité… Puisque le Caravage avait rabaissé la majesté de l’art, chacun prit des libertés avec lui, et il s’ensuivit le mépris pour les belles choses et pour l’autorité de l’antique et de Raphaël. » 

En s’affranchissant des règles classiques, Le Caravage crée une nouvelle tradition picturale. « Après avoir été doux et fait de peu de teintes dans ses premières œuvres, il est devenu un coloris tout dru d’ombres vigoureuses, avec des noirs abondants pour donner du relief aux corps », écrit Bellori.

Le Caravage a inventé la priorité de la lumière sur la glorification de l’homme voulue par la Renaissance. En créant le clair-obscur, il révolutionne l’art de peindre.

Le premier photographe?

Dans son édition du 11 mars 2009, le Guardian posait cette question: «Was Caravaggio the first photographer?», en référence à cette technique de peinture qui joue sur le contraste entre la luminosité et la noirceur.

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Sa maîtrise exceptionnelle de la lumière influencera de grands peintres après lui, comme Rembrandt, La Tour, Rubens et d’autres. Et de nos jours, des photographes s’en inspirent également.

« En osant jouer sur la lumière pour accentuer le sens d’un tableau au détriment d’un certain réalisme, l’œuvre du Caravage a donné une grande impulsion à la peinture, une sorte de premier pas précoce vers les ruptures conceptuelles modernes dans l’art pictural, qui auront lieu plusieurs siècles après lui. »

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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