Le budget d’un gouvernement aux abois

Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre des Finances Bill Morneau.
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Publié 21/03/2019 par François Bergeron

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau profite d’une augmentation de ses revenus légèrement plus forte que prévu, ces deux dernières années, pour les réinjecter complètement – et même davantage – dans de nouvelles initiatives.

S’il n’a pas cru bon de réduire son endettement en période de relative prospérité, il trouvera encore moins de raison de le faire face au léger ralentissement qui se manifeste déjà à travers le G7, et qui pourrait s’accentuer.

Passé de 19 milliards $ en 2017 à 15 milliards $ en 2018, le déficit fédéral remontera à 19 milliards $ en 2019 et en 2020 avant de retomber à 15, puis 12, puis 10 milliards $ au cours du prochain mandat, s’il faut en croire le quatrième budget du ministre Bill Morneau, présenté ce mardi 19 mars: son dernier avant les élections du 21 octobre.

Plus de 355 milliards $ de dépenses (et 3 milliards $ pour des imprévus) pour près de 340 milliards $ de revenus en 2019-20.

Rappelons qu’en campagne électorale en 2015, alors que les Conservateurs de Stephen Harper venaient d’atteindre le déficit zéro et que même le NPD de Tom Mulcair promettait de ne pas retomber dans le rouge, les Libéraux se risquaient à proposer deux déficits «modestes» de 10 milliards $, dans le but de «stimuler» l’économie et dans l’espoir de surfer vers l’équilibre des revenus et des dépenses à la fin du premier mandat (2019).

On sait maintenant que ça n’arrivera même pas à la fin du deuxième mandat (2023)… si deuxième mandat il y a.

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À gauche: même si la dette fédérale continue d’augmenter en chiffres absolus (705 milliards $ en 2019-20), elle continuerait de diminuer relativement au PIB. À droite: la statistique canadienne comprend l’ensemble des dettes fédérale et provinciales.

Mais quand on se compare, on se console: cet endettement (rendu à 705 milliards $) est le moins pire du G7. S’il augmente en chiffres absolus, il continue de diminuer par rapport au PIB. De l’avis de tous les observateurs, un tel déficit de moins de 20 milliards $, sur un budget de plus de 355 milliards $, reste parfaitement gérable pour un pays comme le Canada.

Clameur aux Communes

À la Chambre des Communes, le discours de Bill Morneau a été enterré par une clameur venant des bancs de l’opposition conservatrice, qui protestaient ainsi contre les efforts du gouvernement de paraître s’acquitter normalement de ses affaires malgré les questions soulevées par les démissions en lien avec l’affaire SNC-Lavalin: Jody Wilson-Raybould, Jane Philpott, Gerald Butts, Michael Wernick…

Dans les médias, le dépôt du budget – normalement la seule nouvelle de la journée – a dû partager du temps d’antenne avec le départ du caucus libéral de la député de Whitby, Celina Caesar-Chavannes, en froid avec Justin Trudeau.

 

Le visuel du Budget fédéral 2019-20.

Obsédé par la classe moyenne

Le ministre des Finances ne surprend personne en titrant son dernier ouvrage de 525 pages Investir dans la classe moyenne. C’est le mantra des Libéraux depuis quatre ans, parce que tout le monde se pense dans la classe moyenne, ou veut la rejoindre, ou veut y rester.

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Chaque budget a ses thématiques. Le gouvernement cible cette fois:

– l’accès à la propriété, avec une aide financière à l’achat d’une première maison, qui pourrait résulter – ce que conteste Bill Morneau – en un nouvel emballement du marché immobilier;

– la formation des adultes, avec une nouvelle allocation et une velléité de rationaliser la centaine (!) de programmes de formation concurrents ou complémentaires déjà existants;

Le chômage est à un niveau historiquement bas. Le Canada affiche l’un des meilleurs taux de croissance du G7, mais tout de même sous la barre des 2%, soit moins qu’hier et probablement plus que demain…

– l’internet à haute vitesse, censé couvrir l’ensemble du territoire canadien en 2030;

– l’assurance-médicaments, ou plutôt une étude de faisabilité d’un régime national, mais en commençant tout de suite par une aide à l’achat des médicaments les plus chers pour les maladies rares;

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– les véhicules électriques, dont on favorisera l’achat tant par les particuliers que par les entreprises, pour apaiser les dieux du climat;

– la réconciliation avec les Autochtones (plus de 20% des nouvelles dépenses), dont les dettes sont effacées et les frais de négociations de traités sont remboursés, et dont l’eau potable sera peut-être un jour partout salubre.

On y rappelle aussi la création récente du ministère oxymoronique des Femmes et de l’Égalité des genres…

Soutien aux grands médias

Le budget 2019-20 prend également quelques mesures pour «soutenir le journalisme canadien», notamment un crédit d’impôt de 25% pour les journaux sur leur traitement des journalistes, et un crédit d’impôt de 15% pour les abonnements aux médias numériques.

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Cependant, la plupart des petits journaux francophones en milieu minoritaire ne pourront pas en profiter, affirme Francis Sonier, le président de l’Association de la presse francophone (APF, dont L’Express est membre), en raison des critères proposés pour le nouveau programme (par exemple, qu’un média reconnu emploie au moins deux journalistes à temps plein).

Dans une lettre ouverte, jeudi, l’APF et QCNA (les journaux anglophones du Québec) alertent les ministres Mélanie Joly (Langues officielles) et Pablo Rodriguez (Patrimoine canadien) que «le budget n’a pas tenu compte des journaux canadiens les plus vulnérables».

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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