L’avortement de l’empire américain

Une scène de la série The Handsmaid’s Tale, basée sur le roman de Margaret Atwood sur une société qui réduit les femmes à l'esclavage.
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Publié 19/05/2019 par François Bergeron

En marge de l’adoption, la semaine dernière, en Alabama, d’une loi inconstitutionnelle interdisant l’avortement dans presque toutes les circonstances, notre premier ministre Justin Trudeau a cru bon de mentionner que quelques députés conservateurs canadiens ont déjà participé à des manifestations anti-avortement, et qu’on doit donc se méfier du parti d’Andrew Scheer.
Ce dernier s’est vivement défendu de vouloir rouvrir le débat sur l’avortement. C’est la position de presque tous les politiciens conservateurs canadiens, même si certains d’entre eux prétendront faire une distinction entre leur opinion «personnelle» et leur intention ou leur action «publique» comme législateur.

Épouvantail

Mais on peut difficilement blâmer les Libéraux, en difficulté en vue des élections d’octobre, de brandir cet épouvantail au moment où, chez nos voisins, les Républicains conservateurs religieux piétinent les droits individuels les plus fondamentaux et font reculer leur société d’un demi-siècle, invitant les comparaisons avec les régimes islamiques et les dictatures du Tiers-Monde les plus détestables.
Comme preuve d’un «déclin de l’empire américain», on ne pouvait pas trouver mieux que la recriminalisation de l’avortement. Avis à nos adversaires de la «laïcité»: ce sont de telles dérives qu’elle veut éviter.

Chaos

En plus de l’Alabama, dont la loi entrerait en vigueur dans six mois, une demi-douzaine d’états ont adopté des lois anti-avortement qui s’appliqueraient advenant un renversement de l’arrêt Roe v. Wade de 1973 par une Cour suprême incluant désormais les juges Gorsuch et Kavanaugh nommés par Donald Trump. Dans une dizaine d’autres états, des lois anti-avortement ont cessé de s’appliquer, mais elles n’ont jamais été effacées, intentionnellement ou par oubli.
Ces initiatives ont le potentiel de plonger le pays dans un chaos bien plus réel que celui qu’on aime attribuer aux frasques du président.

Scepticisme

Au Canada, le même «bill omnibus» de Pierre Elliott Trudeau, qui décriminalisait l’homosexualité en 1969, incluait l’avortement dans la protection de la vie privée. Mais ce n’est qu’en 1988 que notre Cour suprême l’a confirmé.
On peut sans doute croire qu’un éventuel premier ministre Andrew Scheer ne touchera pas aux droits des femmes. Mais depuis que Doug Ford a menti aux Franco-Ontariens sur l’avenir de leurs droits et de leurs services, on a le devoir d’entretenir un sain scepticisme face aux promesses des Conservateurs sur tous les enjeux.

Leadership

L’incompétence ou les tergiversations de Justin Trudeau sur la réforme électorale ou la modernisation de la Loi sur les langues officielles, le contrôle de l’immigration ou la réconciliation avec les Premières Nations, les déficits ou les pipelines, n’autorisent pas les Canadiens à signer un chèque en blanc aux Conservateurs.
Andrew Scheer démontrera un vrai leadership en détaillant le plus clairement possible les tenants et les aboutissants de son programme, afin de recevoir des Canadiens le mandat le plus solide.
L’édifice de la Cour suprême des États-Unis à Washington. (Photo: Matt Wade, Wikipedia Commons)

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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