L’Arctique, future zone de transit?

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Publié 16/03/2010 par Vincent Muller

«Il y a quelques semaines, le Canada a adopté un nouveau règlement rendant obligatoire pour tous les navires dans l’Arctique canadien de prévenir de leur arrivée dans la zone et de maintenir le contact avec la garde côtière canadienne pendant leur passage dans les eaux arctiques», rappelait Armand de Mestral, professeur de droit à l’Université McGill, lors d’une conférence sur la question de la navigation dans les eaux arctiques, jeudi soir au Collège Glendon.

Pris dans les glaces 11 mois par an, le passage du Nord-Ouest dans les eaux arctiques du Canada n’est praticable qu’entre août et septembre. Avec la question du réchauffement climatique, réelle menace pour certains et théorie fantaisiste pour d’autres, la navigation dans les eaux arctiques du Canada revient sur le devant de la scène.

Le passage en question, présente comme avantage d’économiser du temps et de l’argent pour passer d’Ouest en Est, vers l’Europe, et son utilisation est possible par plusieurs pays. Cela soulève donc des questions économiques et géopolitiques pour l’ensemble du monde.

Armand de Mestral a donc évoqué la question des problèmes que la navigation arctique poserait pour le Canada, notamment en droit international.
La question ne date pas d’hier: «en 1970 la loi sur la prévention de la pollution dans les eaux arctiques a été mise au point». Cette loi a notamment mis en place des normes sur les déchets, la construction du navire…

«Depuis 40 ans le Canada fait des lois et règlements pour faciliter la navigation. En 1985 le gouvernement Clarke, a déterminé que sur le plan légal les eaux entres les îles arctiques font partie du territoire canadien.»

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La loi passée en février n’est donc que la clarification de quelque chose de préexistant et n’a pas encore engendré de réaction d’autres états dont les navires pourraient utiliser le passage.

Contestations

Cependant en 1970 les États-Unis et plusieurs autres pays avaient contesté l’adoption par le Canada de cette zone de protection, tout comme en 1985. «L’objection la plus forte est toujours venue des États-Unis» rappelle Armand de Mestral. Cette objection serait surtout basée sur la peur de l’utilisation de cet exemple par d’autres pays pour empêcher le transit dans certaines zones.

Les contestations reposent essentiellement sur le fait que le passage du Nord-Ouest devrait être un détroit international selon certains et il semble que les États-Unis seraient d’accord avec les règlements canadiens si le droit international s’appliquait dans ce passage. Mais pour le Canada ce sont des eaux intérieures qui ne sont pas soumises à la question du transit.

Selon le conférencier, la question est moins grave que par le passé, «le Canada et les États-Unis ont bien géré le problème, le Canada peut continuer à gérer la question et en cas de besoin répondre aux contestations juridiques de la part d’autres états».

De plus, selon Armand de Mestral, «la question de l’ouverture due à la fonte des glaces est moins grave qu’on pourrait le croire. Même si la glace disparaît, c’est un phénomène très lent et la navigation reste dangereuse et difficile».

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Navigation difficile

Pour plusieurs raisons, notamment à cause de la nature de la navigation dans cette zone, «il y a peu de probabilités pour que l’on essaye, dans un avenir proche, de passer d’Ouest en Est».

La navigation dans l’Arctique consiste essentiellement en des liaisons d’un port canadien à un autre, il y a peu de navigations commerciales et peu de traversées. Les liaisons ont surtout pour but de ravitailler certains centres, même si l’on assiste à une augmentation de voyages à but touristique, ce qui selon le conférencier est inquiétant dans la mesure où la navigation est périlleuse.

Les navires doivent avoir une assurance maritime qui est difficile à obtenir lorsque l’on navigue dans ces zones étant donné que l’industrie a accepté la réglementation canadienne qui comporte des données rigoureuses concernant la construction des navires conçus pour naviguer dans l’Arctique. Les aides à la navigation (brises glaces, gardes-côtes) sont très peu présentes et il faudrait deux jours pour mobiliser des secours.

Enjeux juridiques

Un régime légal sera très probablement bientôt négocié avec les États-Unis qui sont plutôt coopératifs et qui ne sont «pas insensibles aux préoccupations des Canadiens».

L’article 234 qui stipule que les pays autour de l’Arctique peuvent déterminer quelle sorte de navire peu circuler dans leurs eaux, n’est pas contesté par les États-Unis et même si l’on accepte le fait que ce passage soit soumis aux règles du droit international les règles de cet article restent applicables.

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De plus, le juriste nous rappelle que si le droit international s’applique au passage du Nord-Ouest, des adaptations sont possibles comme c’est déjà le cas pour de nombreux détroits: en Turquie le détroit du Bosphore est bloqué à certaines heures, pour une question d’organisation de nombreux navires sont stoppés avant de pouvoir traverser, sur le détroit de Magellan l’Argentine et le Chili refusent le passage de navires contenant des matières nucléaires, le Danemark et la Suède ont construit un pont sur le détroit de Sund, ce qui n’est normalement pas possible pour une zone de transit international.

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