Difficile de croire que depuis qu’il est apparu sur la scène québécoise, tel une comète, au début du millénaire, il ne s’agit que du troisième «vrai» CD de Pierre Lapointe (je n’inclus pas une collection de trucs remixés, d’intérêt nettement plus modeste pour ceux qui s’intéressent à son écriture). Le bougre a le double don de l’ubiquité et de la métamorphose, à l’instar de Bowie, un de ses modèles avoués. J’étais tenté d’affirmer que Lapointe est de ces rares artistes qui montrent la voie pour la chanson québécoise, mais à l’exception possible de Yann Perreau, je ne vois personne qui serait capable de le suivre sur cette trajectoire.
Avec Sentiments humains (Audiogram) où l’idée de la transformation sert de fil conducteur, on frise l’album-concept, mais il s’agit d’un concept qui, comme je l’ai dit, est au cœur de toute la démarche de Lapointe.
En fait, ce qu’on tient là, c’est le prolongement discographique du spectacle multimédia – intitulé Mutantès, justement – qu’il avait présenté aux Francofolies en 2007. Poursuivant sa fertile collaboration avec le réalisateur et arrangeur Philippe Brault (et Daniel Bélanger, qui intervient à titre de prodigueur de bons conseils), Lapointe signe une œuvre en parfaite tension entre l’intimité et la grandiloquence, entre la vulnérabilité et la folie, servie par une voix, un flair mélodique et un sens poétique qui renvoient à ces fastes années 70, qui étaient celles du glam rock, mais aussi de la variété française à son plus irrésistible.
Et en prime, les 15 000 premiers à mettre la main sur Sentiments humains seront récompensés en trouvant à l’intérieur du boîtier Les vertiges d’en haut, une petite pochette renfermant cinq autres titres qui ne cadraient pas avec la prémisse de l’album. Une preuve additionnelle, s’il en faut, que Lapointe surfe présentement sur une crête de créativité dont on ne peut que souhaiter qu’elle dure longtemps.
La chanson en équilibre
On était nombreux à attendre ce Brise-glace (Productions de l’Onde), le petit dernier de Guy-Philippe Wells, depuis le choc salutaire infligé par l’album Futur antérieur, paru en 2005.