Lady Chatterley: une truffauterie léthargique

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Publié 28/08/2007 par Yann Buxeda

Au printemps dernier, il avait été le grand vainqueur de la 32e cérémonie des Césars – les Oscars du cinéma français. Lady Chatterley, de Pascale Ferrand a pris l’affiche à Toronto le 24 août dernier. Adulé par les critiques à sa sortie, fort de cinq récompenses majeures, le petit dernier de la réalisatrice française présente quelques atouts indéniables, mais sombre malheureusement dans les écueils du genre. «Les sanglots longs des violons de l’automne» s’abattent sur Toronto, et seuls les amateurs de classique sauront vraiment en tirer profit.

Constance, jeune fille de bonne famille, est mariée très jeune à Sir Chatterley, mutilé de guerre et aujourd’hui infirme et impuissant. Enfermé dans un carcan physiquement délimité par le domaine du chateau et moralement par le sens du devoir et les obligations de son mariage, elle ne connaît rien des choses de la vie et s’en satisfait.

Un printemps, alors qu’elle part à la cueillette aux jonquilles en forêt, elle fait la rencontre de Parkin, le garde forestier du domaine. Au fil des jours, des mois, elle découvre en lui le parfum de la liberté, et se détache progressivement de l’étreinte des codes sociaux. Dans les bras de cet «homme du peuple», elle découvre les plaisirs de la nature et ceux, beaucoup plus intrigants, de la chair.

Basé sur le roman Lady Chatterley et l’homme des bois, de D. H. Lawrence, paru à la fin des années 20, le film de Pascale Ferrand est pour le moins original. À l’heure où toutes les productions se penchent sur la complexité des sentiments, Ferrand réussit le prodige de rendre une copie dont la simplicité est déconcertante.

Autour d’un schéma simple – une fille de bonne famille, un homme du monde paysan, et une histoire d’amour – Pascale Ferrand disserte avec dextérité sur l’évolution de la relation du duo et propose une introspection intéressante au coeur des deux personnages.

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Avec Lady Chatterley, Ferrand renoue avec la réalisation, elle qui n’avait pas sorti de film depuis plus de dix ans. Elle n’en a pas pour autant perdu son amour pour la pellicule.

Auréolé de cinq Césars en 2007, dont celui de meilleur film, Lady Chatterley donnait en février dernier l’occasion à sa réalisatrice de se confier au milieu artistique.

Sur l’estrade de l’Académie des Césars, elle dévoilait sa perception du cinéma français et de ses spectateurs: «Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, ce qu’on appelait les films du milieu – justement parce qu’ils n’étaient ni très riches ni très pauvres – étaient même une sorte de marque de fabrique de ce que le cinéma français produisait de meilleur. Leurs auteurs – de Renoir à François Truffaut, de Jacques Becker à Alain Resnais – avaient la plus haute opinion des spectateurs à qui ils s’adressaient et la plus grande ambition pour l’art cinématographique.»

Le respect du spectateur, une notion forte du cinéma d’auteur à la française.

Élitiste

Le résultat, unanimement salué par la critique, a paradoxalement été boudé en salles.

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Un paradoxe aisément compréhensible en un sens. À trop jouer sur la simplicité des rapports, la légèreté des techniques cinématographiques, Ferrand accouche d’une jolie petite fable, mais dont les 2h38 paraissent terriblement longues. Calqué sur une rythmique beaucoup trop implicite, le scénario traîne en longueur et se focalise trop sur un duo tantôt touchant, tantôt insipide.

Là où un public averti s’extasie devant l’ambivalence des rapports humains entre les deux protagonistes, le spectateur lambda y concède à peine un habile jeu de chat et de souris sentimental.

Certes la romance est belle, mais elle se perd inévitablement dans les méandres de l’immobilisme. Tandis que l’on en vient à espérer un petit rebondissement sur le semblant d’intrigue qui se dessine, voici qu’il fond comme neige au soleil pour laisser de nouveau place au platonique amour des premières minutes.

Pour autant, la performance de Marina Hands sous le rôle de Constance est irréprochable. Fragile, tendre et innocente, elle se marie sans sourciller à celle de Jean-Louis Coulloc’h en garde chasse rustre mais sensible. Pour autant, ni l’un ni l’autre ne parviennent à sortir le film de la torpeur dans laquelle il s’inscrit dès les premières minutes. Une léthargie qui ne disparait jamais totalement.

En un sens, Lady Chatterley cristallise tout les défauts et les qualités du cinéma traditionnel à la française. Il se veut et parvient parfois à être intimiste, suggestif, poête et artistique, mais souffre indéniablement de cette exception culturelle qui se refuse à sombrer dans la bassesse d’une scénarisation plus enjouée. En résulte une Truffauterie que certains adoreront, mais que d’autre ne sauront définitivement apprécier.

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