Il y a dix ans, l’armée turque avait poussé à la démission le Premier ministre islamiste Necmettin Erbakan. Aujourd’hui, la possibilité qu’un musulman pratiquant accède à la présidence suscite de nouvelles tensions entre défenseurs de la laïcité, au premier rang desquels les militaires, et le parti au pouvoir, issu de la mouvance islamiste.
Au moins 700 000 personnes ont manifesté dimanche à Istanbul contre la candidature à la magistrature suprême de l’actuel ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gul, en arborant les couleurs nationales et en invoquant les traditions laïques du pays.
M. Gul appartient au Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir), formation islamique modérée qui détient plus de 60% des sièges au Parlement. Le gouvernement et l’AKP sont accusés de tolérer, voire d’encourager les activités de cercles islamistes radicaux dans le pays.
L’armée est intervenue vendredi pour rappeler son rôle historique de garante du régime laïque en Turquie et adresser une mise en garde à peine voilée au gouvernement pro-islamique. «Il ne faudrait pas oublier que les forces armées turques représentent l’une des parties dans ce débat et qu’elles sont le défenseur absolu de la laïcité», a-t-elle prévenu dans un communiqué.
De nombreux Turcs demandent des élections anticipées pour renouveler le Parlement, qui élit le président, et est dominé par l’AKP. Les défenseurs de la laïcité craignent que M. Gul n’utilise la présidence pour aider son allié, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, à remettre en cause la séparation de l’Église et de l’État. Ils veulent par exemple préserver l’interdiction du port du foulard islamique dans les administrations et d’autres lieux publics.