La traduction n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire

On traduit Georges Brassens à l'Alliance française de Toronto

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Publié 20/01/2009 par Khadija Chatar

Le jeudi littéraire de l’Alliance française de Toronto, a récolté un franc succès, le 15 janvier dernier. La Galerie Pierre Léon débordait de monde et avait toutes les peines à contenir les quelques 60 personnes présentes. Cet engouement s’expliquerait par le thème de la conférence qui portait sur la traduction artistique: Traduire sans fausse note poèmes et chansons. À la même table se sont réunis trois spécialistes du jonglage langagier: les professeurs Christine Klein-Lataud, Ray Ellenwood et Claude Tatilon.

L’audience comprend très vite que le fossé qui sépare la traduction pragmatique et littéraire est large. La traduction littéraire et plus particulièrement poétique ne sont pas une mince affaire et peuvent sembler pour les personnes les plus sensées comme une aventure impossible. Christine Klein-Lataud cite à ce titre une phrase du Robert Frost «la poésie est ce qui se perd dans la traduction!» Un exercice périlleux pour celui qui s’évertue à vouloir rendre au vers son sens et sa rime dans une langue étrangère.

Mme Klein compare le poème à un organisme vivant. Si le traducteur lui ôte le son, cela reviendrait à lui couper un bout vital. Et il est parfois difficile pour le traducteur de ne pas se laisser succomber par deux tentations, deux dérives, deux précipices: «la singerie rimée et le moulage de prose que Baudelaire décrivait, surtout pour ce dernier, comme la platitude absolue.»

Selon Claude Tatilon, spécialiste de la traduction publicitaire, Ray Ellenwood a relevé le défi, pour plusieurs insurmontable, de traduire les chansons ou plutôt les poésies chantées de Georges Brassens. «Un bon texte doit proposer du nouveau, surprendre et le faire continuellement. Brassens était fort pour ça. Sa formule? Faire du neuf avec du vieux!», commence M. Tatilon.

Il poursuit en soulignant à quel point Brassens utilisait les clichés et les télescopages dans ses chansons. La rime chez Brassens n’était pas là uniquement dans un but mélodique, mais elle l’était aussi pour un effet de surprise. Les exemples sont nombreux. «Dans ses chansons, les clins d’œil sont nombreux. Les marches militaires riment chez lui avec se tapant le cul par terre; la chronique des scandales avec les parties génitales et des lampions avec des morpions

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Pour illustrer cette jolie présentation de Brassens, M. Tatillon passe les rênes de la conférence à un homme d’expérience, M. Ellenwood, traducteur d’oeuvres littéraires d’auteurs canadiens et français. Il a traduit, entre autres, The Sands of Dream de Thérèse Renaud, Signals for seers de Gilles Hénault et Entrails de Claude Gauvreau. En 1969, ce même monsieur publia une petite publication The Drunken Boat dans laquelle il présente, au public canadien et anglophone, Georges Brassens et des traductions de quelques-unes de ses chansons, comme Oncle Archibald.

«Le rythme et la rime sont forts importants. Notons aussi comment il utilise des enjambements forcés du mot courber, par exemple», fait remarquer M. Ellenwood. Le mot y est divisé et séparé de sa dernière syllabe par nécessité rythmique et rimique. Quelle autre évaluation d’une bonne traduction d’Oncle Archibald que la chanter en chœur? Ainsi, sous la direction de M. Ellenwood, l’assistance s’est laissée transporter par les paroles mélodieuses euh…d’Uncle Archibald.

Après cette petite mise en pratique, le public a été convié à l’exercice de traduction de Saturne. «Je travaille depuis 20 ans sur Saturne et cette chanson continue à me troubler. Je trouve ma traduction encore plate et banale, dit-il, avant de prier le public d’apporter ses propres suggestions. «C’est une musique qui pèse sur les mots et ceux-ci vont doucement. Pour traduire Saturne, les mots doivent aussi être choisis soigneusement. Autre point, les «e» muets ne le sont plus dans cette chanson, ce qui rend la tâche plus difficile encore, car les mots anglais doivent posséder cette même rythmique!»

Dans son travail de traduction artistique, le traducteur a, pour lourde et délicate tâche, de surprendre et d’émouvoir le public tout en préservant l’immuable subtilité du poème.

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