La tapisserie, un art méconnu?

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Publié 16/10/2012 par Gabriel Racle

«L’art de la tapisserie, trop méconnu du grand public tant sur le plan purement esthétique que sur le plan technique, semble parfois trop discret pour faire sa place dans la mémoire culturelle.» Et même dans L’Express, le journal de langue française du Canada qui accorde la plus grande place à la culture, l’art de la tapisserie n’est pas encore représenté.

Si les lignes citées plus haut de la journaliste Laetitia Moreni sont justifiées, il y a aussi une explication à sa constatation et à celle concernant ce journal. Les expositions consacrées à la tapisserie sont rares, de même que les livres d’art qui en traitent. On n’a donc pas d’occasions concrètes et accessibles d’en parler, d’où découlent méconnaissance et oubli. On mémorise ce que l’on voit, entend ou connaît.

Le tissage

Heureusement, un petit livre va nous permettre de combler cette lacune, d’une façon simple et illustrée. Mais il faudrait d’abord décrire brièvement la genèse d’une tapisserie. Alors que la peinture est une technique artistique relativement simple, qui s’est développée dès l’art rupestre des cavernes, l’art de la tapisserie nécessite une technique complexe, celle d’un métier à tisser.

Le métier à tisser est un instrument très ancien, qui s’est perfectionné au fil du temps, mais dont les principes de base sont restés identiques au cours des âges. On connaît des représentations de métiers plus ou moins rudimentaires qui remontent dans la nuit des temps. Les archéologues ont retrouvé en Turquie et en Palestine des morceaux de tissu tissé datant de la période néolithique, dont on situe les débuts vers 9000 ans avant notre ère.

En Mésopotamie, des métiers à tisser apparaissent sur des sceaux cylindriques du IIIe millénaire avant notre ère. En Égypte, des archéologues retrouveront des fragments de tapisserie dans la tombe du pharaon Toutânkhamon (vers 1345 av. J.-C, vers 1327 av. J.-C). Certains vases grecs anciens portent des illustrations de métier à tisser.

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Le tissage est une opération qui consiste à faire s’entrecroiser des fils tendus horizontalement avec des fils tendus verticalement – on parle de l’entrecroisement de la chaîne et de la trame – primitivement sur des cadres horizontaux (basse lice) qui se transformeront en métiers verticaux (haute lice) de plus en plus perfectionnés, utilisant des fils de laine, de soie, et parfois même d’or ou d’argent

La tapisserie

Les produits obtenus seront des tapisseries ou tentures, dont l’histoire va connaître d’importants développements au Moyen Âge, à partir du Xe siècle. En Occident, les rois, princes, ducs, comtes, évêques, vont solliciter la production de ces tentures, souvent de grande taille, pour se protéger du froid hivernal ou des courants d’air, en couvrant les murs de pierre, ou pour servir de décorations ou de «livres d’instruction religieuse» dans les églises, pour des populations illettrées.

Vont entrer en jeu artistes et lissiers. En simplifiant le processus de réalisation, on peut distinguer deux parties complémentaires: la contribution de l’artiste, sa proposition, et le travail du lissier, la personne qui fabrique la tapisserie. Son nom dérive du mot lice (ou lisse), qui désigne le fil portant un maillon dans lequel passent les fils de chaîne séparés pour le passage des fils de trame.

L’artiste propose des créations artistiques, dont on tire des dessins préparatoires à l’échelle de la tapisserie prévue, pour servir de modèles à des cartons qui reproduisent autant que faire se peut les caractéristiques de ce que l’artiste, vivant ou décédé, a envisagé. Le modèle du motif à réaliser est donc peint sur un support appelé «carton».

Il est fixé sous le métier à l’aide d’épingles afin de guider le lissier dans la réalisation de chaque détail.

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Histoires tissées

Poussin et Moïse. Histoires tissées, Éditions Faton, 27×22 cm, cartonné, 32 p., 32 illustrations en couleur, 10$.

Ce petit livre d’art illustre remarquablement le processus de création d’une tapisserie. Au point de départ, neuf tableaux de Poussin, qui s’est intéressé à l’histoire de Moïse, et deux de Charles Le Bru.

Nicolas Poussin (1594-1665) est un peintre français du XVIIe siècle qui représente le classicisme, surnommé Le peintre des gens d’esprit. Considéré comme l’égal de Raphaël, il est l’auteur de nombreux tableaux à caractère religieux. Le Brun (1619-1690) est un peintre décorateur.

Moïse suscite un grand intérêt au XVIIe siècle. D’où la décision de réaliser pour le roi le cycle de l’histoire de Moïse, sous forme de tapisseries. «Comment transposer sur le format monumental d’une tapisserie des tableaux de dimensions modestes?»

C’est le travail des peintres cartonniers, qu’explique le petit livre édité à l’occasion d’une exposition à la Galerie des Gobelins, jusqu’au 15 décembre.

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C’est le grand intérêt de cet opuscule pour découvrir la réalisation de ces tapisseries, illustrées par leur représentation, avec une notice explicative. «Nicolas Poussin ou l’invention de la primauté artistique» conclut cet ouvrage.

Un excellent document, de grande qualité et peu coûteux, à se procurer pour s’initier à l’art de la tapisserie.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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