Claude Tatilon vient de publier un adorable bouquin sur ses souvenirs d’enfance, appelé La soupe au pistou*. C’est ce titre, délicieux comme le bouquin lui-même, qui m’a soufflé aujourd’hui celui de mon propos.
Mon grand-père paternel adorait le bouillon de bœuf, que l’on appelait en Touraine la soupe grasse. Il y nageait de superbes yeux de gras qu’il noircissait de poivre moulu. À ma grand-mère qui lui criait d’arrêter parce qu’il allait s’abîmer à jamais «les intérieurs», Grand-Père répondait: «Ça rend amoureux!» Comme il était déjà bien vieux, elle répliquait: «Dame! Il serait grand temps!» Et lui continuait, en riant d’un rire rabelaisien, à tourner le gros moulin à poivre qui datait, paraît-t-il de Napoléon. Cette poivrière avait dû donner des espoirs à bien des ancêtres, qui n’y croyaient sûrement guère mais avaient gardé le goût de l’épicé, comme partout au sud de la Loire.
Eh oui. Le poivre, comme presque toutes les autres épices, fait partie des aphrodisiaques traditionnels, tels que le piment, le raifort, le clou de girofle, la cannelle, la cardamome, le cumin, l’ail. Leur signe commun est le goût terriblement fort, qui vous emporte le palais. L’oignon, que l’on pourrait ranger dans cette catégorie, a la même réputation et ce n’est pas pour rien qu’on en servait aux jeunes mariés, la nuit des noces!
Le curry, constitué d’une quinzaine de plantes, dites excitantes, réduites en poudre, a dû contribuer beaucoup à l’art érotique de l’Inde et à ses exercices de Kamasoutra! Les Chinois, eux, avaient découvert les mêmes vertus stimulantes dans le gingembre, dont le nom signifie virilité.
Je ne sais si on a jamais fait d’observation scientifique sur tout ce qui a la réputation de stimuler l’énergie sexuelle mais peut-être les stimulants médicaux actuels sont-ils le résultat d’une concoction de plantes telles que l’artichaut, le céleri, et peut-être la pomme de terre, qui passait pour un sérieux aphrodisiaque en Amérique du sud!