La réputation d’Air Canada échaudée

Chargement des bagages à bord d'un avion d'Air Canada. (Photo: Andrew Vaughan, PC)
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Publié 17/04/2012 par Paola Loriggio et Patrice Bergeron (La Presse Canadienne)

à 21h52 HAE, le 16 avril 2012.

TORONTO – Le transporteur aérien Air Canada doit changer sa culture d’entreprise et développer une nouvelle attitude s’il espère regagner la confiance de voyageurs de plus en plus échaudés par des conflits de travail et un service chancelant, préviennent plusieurs experts.

L’image du transporteur est si ternie qu’il faudra davantage que des publicités bien léchées et des promotions aguichantes pour redresser la situation, ajoutent-ils. L’identité d’Air Canada est maintenant synonyme de climat de travail empoisonné, a dit Gabor Forgacs, de l’École de gestion Ted Rogers.

Les experts croient que des années de quasi-monopole ont possiblement rendu le transporteur complaisant, une attitude potentiellement dangereuse maintenant que des nouveaux venus comme WestJet et Porter prennent de plus en plus de place sur le marché.

Air Canada a récemment été impliqué dans des conflits de travail avec ses pilotes, ses mécaniciens, des agents de bord et ses agents de service à la clientèle. L’intervention du gouvernement fédéral dans certains de ces dossiers a suscité la colère des syndiqués, donnant naissance à un climat de travail malsain que des employés stressés communiquent ensuite aux voyageurs.

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Conséquemment, de plus en plus de clients se tournent vers des transporteurs qui mettent l’emphase sur un service accueillant et amical. Seule une nouvelle culture d’entreprise pourra restaurer la confiance des employés et des voyageurs, a dit M. Forgacs.

Selon Peter Fitzpatrick, porte-parole d’Air Canada, beaucoup de transporteurs aériens ailleurs dans le monde doivent relever des défis similaires alors qu’ils tentent de changer leur modèle d’entreprise afin de s’adapter à la concurrence de plus en plus féroce.

«Nous sommes tout à fait conscients des frustrations que cela peut causer aux consommateurs, du fait qu’ils ont d’autres options pour voyager et des risques que cela représente pour notre marque», a affirmé M. Fitzpatrick, lundi, dans un courriel à La Presse Canadienne.

«Malgré tout, la majorité des employés d’Air Canada a toujours à coeur de fournir un bon service à la clientèle.»

La taille du transporteur pourra se révéler être son talon d’Achille, a ajouté Kenneth Wong, de l’université Queen, puisqu’il est plus facile d’améliorer le moral et la qualité du service au sein d’une petite entreprise. Mais avant de s’attaquer à ces «questions structurelles», a dit M. Wong, Air Canada devra regagner la sympathie du public.

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Par exemple, poursuit-il, sa gestion des vols annulés ou retardés a été «incroyablement inadéquate», ce qui témoigne d’un «manque d’intérêt et d’un manque d’effort» quand vient le temps d’aider les passagers.

«Ça veut dire (qu’Air Canada) ne s’inquiète pas de perdre ma clientèle», une attitude dangereuse à adopter même pour une entreprise qui domine son secteur, a dit M. Wong.

Plusieurs Canadiens, et surtout ceux qui habitent en région éloignée, n’ont d’autre choix que de voyager avec Air Canada, mais c’est là une situation qui pourrait éventuellement changer, a-t-il rappelé.

Requête en Cour contre la fermeture d’Aveos

Par ailleurs, Air Canada «insulte» les parlementaires et la démocratie en ne respectant pas son obligation d’effectuer l’entretien de ses appareils à Montréal. C’est ce que fait valoir le gouvernement Charest en déposant une requête en Cour supérieure contre le transporteur concernant le dossier d’Aveos, cette entreprise spécialisée dans l’entretien d’avions qui a fermé à Montréal.

Québec met donc sa menace à exécution après avoir hésité à poursuivre Air Canada. Il entame ainsi une poursuite à la place du syndicat des 1600 employés de Montréal mis à pied.

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Le gouvernement provincial avait mis le transporteur en demeure au début du mois d’avril pour qu’il se conforme à la loi qui l’oblige à maintenir ses activités d’entretien à Montréal. Mais dans sa réponse, Air Canada soutient que la loi fédérale et les débats parlementaires qui l’ont entourée aux Communes ne sont pas si clairs sur ses obligations.

En conférence de presse, mardi, le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a affirmé qu’il ne peut se satisfaire de la réponse d’Air Canada.

«C’est une insulte à la parole des parlementaires qui, avec intégrité, défendent des causes auxquelles ils croient», a déclaré M. Fournier.

«C’est une insulte à la démocratie et à ses acteurs principaux, les élus légitimes. La loi est claire et les propos parlementaires qui ont accompagné son adoption sont cohérents.» Les débats en Chambre de l’époque «concordent» avec la clarté du texte, a plaidé M. Fournier.

Air Canada dit entendre «contester vigoureusement» la procédure du gouvernement du Québec. «Nous réitérons aujourd’hui qu’Air Canada se conforme à la LPPCAC (Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada), et ce, malgré la fermeture d’Aveos», a indiqué le transporteur dans un communiqué.

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Entre-temps, les ex-employés d’Aveos ont accueilli la décision du gouvernement avec enthousiasme, sans toutefois y voir la fin du combat qu’ils mènent depuis des semaines.

«Le Goliath s’est réveillé», a lancé un porte-parole du syndicat, Jean Poirier, en référence au gouvernement.

«Québec va aller se battre pour nous. La loi a été bafouée. Ce n’est plus juste un petit syndicat des machinistes qui le dit, ce n’est plus juste une petite firme d’avocats, c’est le gouvernement provincial avec tous ses juristes qui ont pris le temps de regarder les dossiers», a-t-il ajouté, alors qu’il manifestait avec ses collègues devant la résidence de l’ancien premier ministre péquiste et membre du conseil d’administration d’Air Canada Pierre Marc Johnson.

«C’est une bonne nouvelle, mais la meilleure chose qui aurait pu arriver aux travailleurs, ça aurait été d’apprendre qu’ils recevront un salaire aujourd’hui», a toutefois nuancé M. Poirier.

«Personne peut vivre sans cinq semaines de salaire. Les gens sont contents que Québec ne les laisse pas tomber, mais ils n’ont toujours rien sur la table.»

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Le gouvernement Harper a pour sa part déjà indiqué qu’un avis juridique défavorable l’incitait à ne pas poursuivre Air Canada. M. Fournier a malgré tout invité le fédéral à se joindre à sa cause. «Nous ne partageons pas les conclusions de cette opinion juridique», a-t-il dit.

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