La puissance du non-dit

livre, littérature, roman, essai
Nina LaCour, Tout va bien, roman traduit de l’anglais par Pauline Vidal, Paris, Éditions Hugo & Cie, coll. New Way, 2021, 228 pages, 24,95 $.
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Publié 14/04/2021 par Paul-François Sylvestre

Quand l’éditeur accole à un titre les étiquettes hashtag #famille, #amitiéamoureuse et #s’accepter, et que ce roman s’intitule Tout va bien, on devine que tout n’ira probablement pas bien. Nina LaCour est l’autrice de We Are Okay (titre original anglais) et elle aime laisser flotter plein de non-dits.

Selon Nina Lacour, c’est quelques mois après la mort de son grand-père que son épouse lui a lancé l’idée d’écrire un roman sur une fille qui habite près d’Ocean Beach (San Francisco) avec son grand-père.

Époque de désenchantement

Hormis son penchant pour les blagues et les jeux de cartes, le grand-père de la romancière a peu de points communs avec le Grandpa de Tout va bien.

Nina LaCour l’a écrit à une époque de bouleversement et de désenchantement qui contrastait violemment avec l’amour magique de sa nouvelle famille.

Personnage principal, Marine a près de trois ans lorsque sa mère meurt; elle est élevée par son Grandpa qui l’appelle Matelot. Quand ce dernier disparaît dans une noyade, Marine quitte Ocean Beach sans prévenir, même pas sa meilleure amie Mabel, qu’elle aime peut-être trop…

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Elle se réfugie à des centaines de kilomètres de la côte Ouest californienne, dans une université new-yorkaise. Sa vie devient une lutte de chaque instant pour oublier la tragédie qui lui a fait perdre son grand-père, sa seule famille.

Chagrin et folie

Quand arrive la période des Fêtes, Marine s’enferme seule dans sa résidence universitaire. C’est là que Mabel lui rend visite et l’oblige à affronter les non-dits, à surmonter le mur de solitude et de tristesse dans lequel elle a enfermé son cœur.

La romancière écrit que «la vie est fugace et fragile», que « le moindre changement brutal pourrait la déchirer». D’un chapitre à l’autre, du présent où Marine est narratrice au passé où Grandpa mêle allègrement fantaisie et sagesse, nous naviguons dans les divers degrés d’obsession, de conscience, de chagrin et de folie.

Le flou de la relation amoureuse entre Marine et Mabel teinte constamment les dialogues et permet à Nina LaCour de tisser une intrigue autour de la différence entre désir charnel et amour de l’âme. Nous élisons souvent domicile dans l’incertitude.

Questionnements

Voici une citation qui vous donnera une idée du genre de questionnement qui taraude Marine: «Je me demande s’il existe un flux secret reliant les gens qui ont perdu quelque chose. Pas une chose habituelle, plutôt de celles qui vous détruisent la vie, anéantissent votre être, si bien que lorsqu’on se regarde ensuite dans la glace, ce n’est plus son visage qu’on aperçoit.»

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Marine se demande aussi comment pleurer quelqu’un que l’on ne connaît pas… «Et si la personne que j’aimais n’existait pas, comment pourrait-elle être morte?» À en conclure que le roman se loge à l’enseigne de l’être vs le non-être, du dit vs le non-dit.

Nina LaCour a signé de nombreux ouvrages «jeunes adultes» acclamés par la critique. Son précédent roman, Hold Still, a reçu une avalanche de prix littéraires aux États-Unis, notamment le Best Books for Young Adults Award de l’American Library Association.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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