«La Provence occupe une place toute particulière dans le cœur de millions de gens, qu’ils soient jeunes ou vieux, aux quatre coins du monde, une place empreinte à la fois d’affection et de fascination.» Lorsque Toni Harting parle de la Provence où il a passé les étés de sa jeunesse, on peut sentir le profond amour qu’il éprouve pour cette «cour de récréation du sud de la France». Un sentiment qu’il cherche à partager avec l’exposition de 20 de ses clichés en noir et blanc qui remontent le temps et révèlent la beauté de la Provence de l’après-guerre.
Un couple qui s’embrasse face à la mer, une petite fille qui s’abreuve à une fontaine, des joueurs de pétanque, Pablo Picasso à la corrida de Arles, des filets de pêche qui sèchent sur le port d’Antibes, Denise qui prend son petit-déjeuner… C’est un véritable carnet de voyage illustré que nous offre l’exposition Provence Portraits 1957-1961. Un voyage qui commence en 1951 lorsque Toni Harting, alors jeune étudiant de 20 ans, quitte sa Hollande natale pour le sud de la France.
Pour se faire un peu d’argent, il forme un duo de musiciens ambulants avec un autre compatriote des Pays-Bas. «Nous grattions nos guitares dans la rue en interprétant toutes sortes de chansons, dans toutes sortes de lieux, pour toutes sortes de gens, de nationalités et d’origines multiples», raconte Toni. Une expérience qui va lui permettre de rencontrer une multitude de gens, du fils de Pablo Picasso dont il deviendra ami, à Yana, un artiste tzigane qui vit sous une tente avec sa femme, ou encore ce vieil homme de 83 ans à moitié aveugle qui joue du violoncelle dans la rue «pour l’amour de Dieu».
Chacun aura droit à son portrait, à sa tranche de vie immortalisée par Toni qui ne quitte jamais son appareil photo. «Je trouvais très intéressant de m’attarder sur une vision de la Provence et de ses gens que l’on ne rencontre pas normalement, que ce soit parce que l’on y habite ou que l’on est touriste.» Comme le cycliste, cet artiste de rue qui faisait du vélo debout sans parler à personne et dont personne ne se souciait mais qui échangeait volontiers quelques mots avec Toni et son ami parce qu’ils étaient les seuls à s’intéresser à lui.
Si les photographies de Toni sont absolument magnifiques, émouvantes et pleines de vie, elles revêtent aussi une vraie valeur historique en témoignant d’un temps révolu. «Ces portraits documentent la vivacité et la gaieté de l’époque ainsi que du cœur de la Provence enchanteresse. C’était l’époque innocente, il n’y avait pas de drogues et les enfants n’avaient pas besoin de Playstations pour s’amuser», se souvient l’artiste devant une photographie de trois jeunes enfants dans un ancien modèle de poussette.