BEYROUTH – Les Libanais ont beau aimer la politique, trop c’est trop. De plus en plus de commerçants affichent des pancartes demandant aux clients et employés d’éviter de parler politique ou religion, deux sujets qui divisent trop profondément la société pour ne pas dégénérer.
«C’est mieux sans politique», peut-on ainsi lire, en lettres rouges et blanches, à l’entrée de l’un des nombreux cafés et restaurants de la rue Gemayzeh, dans le secteur chrétien (est) de Beyrouth. Une salle de sport huppée de la capitale prévient aussi ses clients que «Ceci est un lieu réservé au sport, merci d’éviter d’exprimer des opinions politiques». Tandis que sur le tableau de bord d’un taxi s’étalent des notes auto-collantes sur papier jaune bannissant la politique des conversations.
Relevant dans un premier temps d’initiatives individuelles ici et là, ces avertissements se sont multipliés, surtout depuis qu’une querelle entre étudiants à l’Université arabe de Beyrouth a tourné à l’émeute et fait quatre morts le 25 janvier, rappelant les pires heures de la guerre civile de 1975-90.
«J’ai des clients de toutes les religions et communautés, je ne peux pas me permettre qu’ils se battent entre eux», souligne Oussama Mansour, 31 ans, épicier dans le quartier musulman de Bachoura. Une affichette demande à chacun «d’éviter de discuter politique et religion» dans sa boutique. Le commerçant affirme l’avoir accrochée il y a deux ans, après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005. Et avoir rajouté ensuite la référence à la religion. «Vous commencez à parler avec quelqu’un et il veut immédiatement savoir qui vous êtes, ce que vous êtes: pour ou anti-gouvernement, chrétien ou musulman, sunnite ou chiite. C’est devenu écoeurant.»
La politique est pourtant un passe-temps national au Liban, où se sont souvent joués des conflits régionaux et internationaux. Le sujet est inévitablement abordé dans toutes les rencontres, pour des discussions toujours animées.