La paix dans le monde: une utopie?

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Publié 14/01/2014 par Gabriel Racle

Cette année 2014 est marquée par des commémorations se rapportant à la Première Guerre mondiale (1914-1918), ainsi qu’à la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945).

Mais ces évocations ne peuvent que poser dès à présent quelques questions fondamentales, par exemple: la paix, celle qui règne actuellement dans une partie importante du monde, va-t-elle durer? D’où vient la paix? Que signifie-t-elle? Est-ce une réalité durable ou une simple utopie?

Une utopie?

C’est Thomas More (1477-1535), juriste, historien, philosophe et homme politique anglai, qui a créé le mot «utopie» à partir de deux mots grecs (lieu qui n’existe pas) et a imaginé une société idéale, vivant dans le bonheur et la paix. L’histoire montre que cette paix n’est bien qu’un idéal imaginaire qui n’a pas pris place parmi les humains.

La paix n’est-elle pour autant qu’utopique? Certainement pas dans le projet de «paix perpétuelle» proposé par Emmanuel Kant, et qui est toujours d’actualité. Mais il faut s’entendre sur la signification du mot paix entre États. Soit on parle de la situation d’une nation, d’un État, qui n’est pas en guerre, mais qui peut s’y retrouver, soit on envisage des relations harmonieuses entre des États qui excluent le recours à la guerre.

Emmanuel Kant

Emmanuel Kant est un penseur de génie né en 1724 à Königsberg, alors capitale de la Prusse-Orientale, où il est mort le 12 février 1804, il y a 210 ans.

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Ce ne sont pas les grandes œuvres de Kant auxquelles on pourra facilement se référer grâce à Internet, qui retiennent l’attention dans sa recherche de la paix perpétuelle, mais un petit traité publié en 1795, connu en français sous le titre Vers la paix perpétuelle.

Comme l’explique Jacqueline Morne, professeure de philosophie, dans La paix perpétuelle: une utopie?, «La démarche suivie par Kant ne consiste en aucun cas à décrire une cité de nulle part, un état imaginaire de l’humanité, misant sur une soudaine et inexplicable mutation de la nature humaine. Il s’appuie au contraire sur l’analyse rigoureuse de ce qu’implique le concept de paix.»

La paix n’est pas l’absence de guerre, comme indiqué précédemment. «Même si elles n’éclatent pas, les hostilités constituent un danger permanent», écrit Kant. On l’a vu avec la Première Guerre mondiale, surnommée «la Der des Ders», suivie de la Deuxième Guerre puis de la Guerre froide.

«Pour que la paix ne soit pas un vain mot, il faut donc qu’elle ne soit pas seulement l’absence de guerre, mais l’impossibilité de la guerre. Il faut donc qu’elle soit perpétuelle. Et ce sont ces conditions qu’il faudra établir.» (J. Morne)

Les conditions de la paix

«L’état de paix parmi les hommes vivant les uns à côté des autres n’est pas un état de nature. Celui-ci est bien plutôt un état de guerre.» (Kant) La paix ne peut donc résulter que d’un accord passé entre États sous «l’autorité d’une loi commune».

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Pour instaurer la paix, il faut instaurer le Droit, parce que régler les rapports au sein d’une société organisée ou entre des sociétés est le seul moyen de subsister, et de pouvoir réaliser des fins personnelles ou sociales.

La prévalence du Droit permet la création de sociétés constituées selon les principes de la liberté sans laquelle, privées de toute force créatrice et de toute initiative, les sociétés seraient incapables de progrès. Les arbres d’une forêt grandissent en se confrontant aux autres. Un arbre isolé reste rabougris.

La société où le Droit prévaut, qui assure la liberté et l’égalité de tous, est pour Kant la république «par laquelle le peuple se constitue lui-même en un État», dont dépendent ultimement ses décisions, selon les règles de la démocratie. Et Kant suggère une fédération des peuples, une alliance juridique entre États conservant leur autonomie et pouvant rivaliser entre eux pacifiquement.

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Très brièvement résumés, se dessinent ainsi les grands axes de la paix perpétuelle envisagée par Kant. Il est intéressant d’en faire état au milieu des commémorations d’événements reliés à la guerre, d’autant que Kant n’est pas un visionnaire mais que ses considérations reposent sur une analyse philosophique logique et rationnelle.

«Même si la situation a beaucoup changé depuis, son influence reste remarquable. On pense tout de suite à l’Organisation des Nations Unies (ONU), à la Cour Pénale Internationale de justice (CPI) et même à la création du GATT devenu l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) découlant de son idée selon laquelle le commerce, incompatible avec la guerre, serait un facteur de rapprochement des peuples…

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Reste à espérer, comme Kant le souhaitait, que s’installe une mondialisation humaine, respectueuse de la diversité et de la liberté des États, ceux-ci ne devant être soumis qu’à leur propre volonté et qu’aux lois internationales qu’ils auront élaborées dans un esprit de collaboration et d’égalité entre les nations.» (Olivier Lalonde, Le projet de paix perpétuelle d’Emmanuel Kant (1795), Syllabus, 2004)

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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