La loi durcissant la justice criminelle est adoptée

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Publié 13/03/2012 par Fannie Olivier (La Presse Canadienne)

à 10h32 HAE, le 13 mars 2012.

OTTAWA – N’en déplaise aux provinces et tout particulièrement au Québec, les Communes ont adopté lundi en soirée le projet de loi omnibus des conservateurs destiné à durcir la justice criminelle.

Les néo-démocrates étaient parvenus à retarder le vote final sur C-10 la semaine dernière, mais ils se sont vu imposer le bâillon par les troupes de Stephen Harper.

Devant ce vote que les conservateurs ont gagné grâce à leur majorité, Québec n’a eu d’autre choix que de rendre les armes en prenant acte de l’adoption de C-10. La province était vigoureusement opposée aux dispositions plus sévères touchant les jeunes délinquants et les peines minimales.

«Nous aurions préféré que le Parlement accepte les demandes d’amendements que le gouvernement du Québec avait soumises, avec l’appui de plusieurs organismes», a déploré le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, dans un communiqué.

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Les conservateurs avaient promis aux électeurs de faire adopter ce projet de loi dans les 100 jours suivant leur retour au Parlement. Ils ont respecté leur parole. En effet, le vote final de lundi s’est tenu au jour 94 du calendrier parlementaire, et sera rapidement suivi par la sanction royale cette semaine.

9 projets dans 1

Avec cette législation — qui contient neuf projets de loi couvrant de nombreux aspects du Code criminel — le gouvernement fédéral dit vouloir serrer la vis aux délinquants et contribuer à rendre le Canada plus sécuritaire.

Le ministre fédéral de la Justice a cependant indiqué que ces mesures n’entreront pas toutes en vigueur d’un seul coup.

«Nous allons espacer un nombre d’entre elles. J’ai indiqué à mes collègues des provinces quand je les ai rencontrés il y a à peu près un mois maintenant que nous les mettrons en vigueur en consultation avec eux», a signalé Rob Nicholson à la sortie de la période de questions. Il n’a spécifié quels seraient les morceaux de la loi qui seraient priorisés.

Les nombreux détracteurs de C-10 dénoncent entre autres choses son approche punitive. La législation impose notamment plus de peines minimales, allonge certaines sentences, complexifie l’obtention du pardon et rend plus sévère la justice pénale pour les adolescents.

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Le Québec préfère la réhabilitation

Le Québec a fortement décrié plusieurs de ces mesures, indiquant qu’elles contrevenaient à son approche axée sur la réinsertion.

«En tant que procureur général, il est de ma responsabilité de faire appliquer les lois criminelles, mais il est aussi de ma responsabilité d’assurer la protection durable du public et de prévenir la récidive», a indiqué le ministre Fournier.

Mardi, il a demandé à nouveau au gouvernement de Stephen Harper d’assumer le coût de ses initiatives, qu’il évalue entre 40 et 80 millions $ par année pour la simple application de ses dispositions et à 750 millions $ pour la construction de nouvelles prisons.

Parmi les mesures présentées par le ministre Fournier mardi dans une salle de la Chambre de la jeunesse de Montréal, l’une prévoit que la divulgation de l’identité d’un adolescent criminel soit l’exception plutôt que la norme.

Des coûts additionnels pour les provinces

Les coûts potentiels de la nouvelle loi suscitent également des inquiétudes. Il y a deux semaines, le directeur parlementaire du budget estimait que la seule mesure de rendre moins accessibles les peines de prison avec sursis allaient entraîner des frais de 137 millions $ annuellement pour les provinces et territoires.

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Le fédéral n’a cependant pas évoqué la possibilité de compenser les provinces. Interrogé sur le sujet, le ministre Nicholson a rappelé simplement que les transferts aux provinces sont en croissance. «Cela dit, nous les consulterons lors de la mise en oeuvre des différents segments du projet de loi», a-t-il ajouté.

Pour le néo-démocrate Jack Harris, il est particulièrement préoccupant de constater que le gouvernement n’a pas divulgué combien la nouvelle législation en coûtera aux contribuables. «Il est plutôt évident que le gouvernement n’a pas fait ses devoirs», a-t-il déploré.

Le chef libéral Bob Rae a confié qu’il croyait lui aussi que le projet de loi «allait coûter beaucoup», sans pour autant être efficace, puisque selon lui, «les conservateurs ont importé au Canada un système américain qui, franchement, n’a pas marché aux États-Unis, et qui ne va pas marcher au Canada».

Les 9 lois

Voici les 9 lois sur la criminalité qui ont été adoptées ensemble lundi aux Communes:

La «Loi sur la protection des enfants contre les prédateurs sexuels» augmente les peines imposées aux auteurs d’infractions d’ordre sexuel contre les enfants et créera deux nouvelles infractions visant la conduite susceptible de faciliter ou de permettre la perpétration d’une infraction d’ordre sexuel contre un enfant.

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La «Loi sur les peines sanctionnant le crime organisé en matière de drogue» cible les infractions graves liées aux drogues, notamment celles perpétrées par le crime organisé, grâce à l’imposition de peines plus sévères pour la production et le trafic de drogues illicites.

La «Loi de Sébastien (protection du public contre les jeunes contrevenants violents)» veut protéger davantage les Canadiens et les Canadiennes contre les jeunes contrevenants violents et récidivistes et garantir que la protection de la société sera une considération dominante dans la gestion des jeunes contrevenants par le système de justice.

La «Loi mettant fin à la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux ayant commis des crimes contre les biens ou d’autres crimes graves» élimine les peines d’emprisonnement avec sursis, soit la détention à domicile, pour les crimes graves et violents.

La «Loi supprimant la libération anticipée des délinquants et accroissant leurs responsabilités» consacre le droit des victimes de participer aux audiences de libération conditionnelle et prévoit la responsabilité et la gestion des détenus en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

La «Loi supprimant l’admissibilité à la réhabilitation pour des crimes graves» fait passer les périodes d’inadmissibilité pour les demandes de suspension de casier judiciaire (actuellement appelée «pardon») à cinq ans pour les auteurs d’infractions poursuivies par procédure sommaire et à dix ans pour les auteurs d’infractions poursuivies par mise en accusation.

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La «Loi visant à assurer la sécurité des Canadiens (transfèrement international des délinquants)» ajoute des critères supplémentaires dont le ministre de la Sécurité publique peut tenir compte lorsqu’il décide de permettre ou non le rapatriement d’un contrevenant canadien au Canada afin qu’il purge sa peine au pays.

La «Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme» et les amendements à la «Loi sur l’immunité des États» permettraient aux victimes de terrorisme de poursuivre les auteurs d’actes terroristes et ceux qui les soutiennent, y compris les États étrangers visés, pour les pertes ou les dommages subis par suite d’un acte de terrorisme commis n’importe où dans le monde.

La «Loi sur la prévention du trafic, de la maltraitance et de l’exploitation des immigrants vulnérables» autorise les agents d’immigration à refuser des permis de travail aux citoyens étrangers vulnérables lorsqu’ils risquent de subir un traitement humiliant et dégradant, y compris l’exploitation sexuelle ou la traite des personnes.

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