La loi de Dieu et la loi des hommes

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Publié 24/03/2009 par Pierre Léon

«Allez, hop, tous en Enfer!» Ainsi débute un implacable réquisitoire du Canard Enchaîné du 11 mars 2009 (p. 8), contre l’archevêque de Recife, au Brésil, dom Jose Cardoso Sobrinho et, du même coup, contre l’Église catholique et ses dirigeants romains.

Cet archevêque a excommunié les médecins qui, horrifiés, ont eu pitié d’une pauvre fillette de neuf ans, violée depuis l’âge de six ans par son beau-père, et qui se trouvait enceinte de jumeaux. Les médecins l’ont fait avorter.

«Nous ne pouvions pas faire courir de risques à une enfant de neuf ans, dont les organes ne sont pas encore formés», ont-ils déclaré. D’autre part, si au Brésil, la loi est encore contre l’avortement, il est permis en cas de viol et si la vie de la mère est en danger. Or le grand excommunicateur insensible aux arguments médicaux, ignorant le moindre bon sens et la pitié, a également inclus la jeune mère dans sa sanction. Il a décrété: «La loi de Dieu est au-dessus de celle des hommes».

Par contre l’archevêque de Recife n’a pas excommunié l’atroce violeur, pauvre pêcheur, qui mérite la compassion puisque lui est contre l’avortement! Et Monseigneur d’ajouter: «Certes ce qu’il a fait est horrible, mais il y a tant de péchés graves, et le plus grave est l’élimination d’une vie innocente.»

Ce qui revient à dire que l’avortement est plus grave que le viol. Mais c’est aussi, à ce moment-là, l’opinion du Vatican, puisque le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques à Rome, a volé au secours de l’archevêque de Recife, déclarant: «Le vrai problème est que les jumeaux conçus étaient deux personnes innocentes qui avaient le droit de vivre et ne pouvaient pas être supprimées.»

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Le Pape n’avait plus qu’à donner sa bénédiction, lui qui est également contre la contraception, grâce à quoi des milliers d’enfants non souhaités naissent chaque année dans les pays de famine.

Je cite encore le même article: le président brésilien Lula, qui tente de dépénaliser l’avortement dans son pays, déplore lui, en tant que chrétien, le comportement conservateur de l’évêque, et affirme: «Je pense que, dans ce cas, les lois de la médecine sont au-dessus des lois de l’Église.» Et Le Canard de conclure : «Le Vatican va sûrement réclamer le rétablissement de l’Inquisition pour envoyer cet impie au bûcher.»

Mais voilà que toute la presse internationale s’en mêle et rappelle que, dans l’avion qui le menait au Brésil, le 14 juillet 2007, le Pape avait déjà dit aux journalistes qu’il approuvait l’excommunication des hommes politiques américains qui ne seraient pas contre l’avortement.

Levée de boucliers aussi du côté des catholiques d’avant-garde contre ce pape réactionnaire dont l’attitude envers la petite brésilienne semble alors odieuse. On trouve même un blog du Post, où un lecteur indigné déclare excommunier lui-même le Pape et demande sa démission!

Tout le monde l’avait prédit, les antécédents de Benoît XVI n’étaient pas pour rassurer. On évoque son passé dans les Jeunesses hitlériennes, et récemment sa levée d’excommunication de l’évêque intégriste Williamson au moment même où celui-ci déclarait devant la télévision suédoise que les chambres à gaz des nazis n’avaient jamais existé.

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Le parquet de Ratisbonne ayant décidé d’intenter un procès à Williamson, le Pape l’a tout de même alors obligé de s’excuser. Dans une lettre aux évêques, il vient d’exprimer son désarroi et celui de son Église au milieu des conflits du spirituel ancien et du temporel moderne. L’affaire brésilienne n’arrange pas les choses.

L’Osservatore Romano, journal du Vatican a organisé le 15 mars une tribune publique sur l’excommunication des médecins de la petite Brésilienne, et Monseigneur Fisichella, dont l’autorité est grande, a finalement avoué que, bien que l’Église reste opposée à l’avortement, il fallait avoir de la compassion pour l’enfant violée. Il a ensuite désavoué l’attitude de l’évêque de Recife. Le Pape a finalement annulé l’excommunication et destitué l’excommunicateur de sa chaire.

Le Monde pose la question de savoir combien de temps encore les fidèles de l’Église catholique apostolique et romaine continueront à croire à l’infaillibilité du Pape. On pourrait s’interroger sur bien d’autres points des dogmes d’une religion qui refuse la modernité.

Et Benoît XVI est-il prêt à affirmer que la loi de son Dieu est toujours au-dessus de celle des hommes?

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