La femme, un homme politique à part entière?

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Publié 21/11/2006 par Aurélie Lebelle

«La femme a le droit de monter sur l’échafaud; elle doit avoir également celui de monter à la tribune», s’exclamait la féministe Olympe de Gouges en 1791. Plus de 200 ans plus tard, la femme a obtenu le droit de vote et d’éligibilité dans de nombreux pays mais elle reste sous-représentée dans les parlements et rares sont celles qui gravissent les échelons jusqu’à la tête de l’État.

Pourtant, ces dernières années, les femmes ont le vent en poupe en politique. D’Angela Merkel (Allemagne) à Ellen Johnson-Sirleaf (Libéria), en passant par Michelle Bachelet (Chili), une dizaine de femmes dirigent leur pays dans l’ensemble du monde. Effet mode ou véritable changement des mentalités, la femme serait-elle considérée comme un homme politique à part entière?

La France est l’un des nouveaux pays où la femme prend les rênes d’un parti politique majeur. Ségolène Royal a remporté haut la main les primaires du Parti socialiste français le 16 novembre dernier et brigue désormais le poste présidentiel.

Elle s’est imposée au premier tour, laissant sur le tapis ses deux adversaires, qui se sont amusés à tenir des propos machistes à son égard pendant toute la durée de la campagne. Du «qui va garder les enfants?» de Laurent Fabius au «elle aurait mieux fait de rester chez elle au lieu de lire ses fiches cuisines» de la part de Dominique Strauss-Kahn, les remarques n’ont fait que gagner des voix à Ségolène Royal.

Peur réelle face à une candidate de taille ou mépris des qualités de la femme en politique, ces réactions machistes sont en tous cas le témoin qu’aujourd’hui encore, une femme briguant les hautes fonctions électorales est un intrus, une anomalie en politique.

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Cette vision de la femme étrangère au monde de la politique est sociale et culturelle. Dans le passé, les femmes étaient repliées sur la sphère privée, sur la famille, tandis que les hommes se chargeaient des problèmes de la cité. Aujourd’hui encore, cette parcellisation persiste. L’investissement des hommes est plus grand dans la sphère publique alors que les femmes s’investissent davantage dans la sphère privée.

Cela est également lié au fait que notre société poursuit le schéma patriarchal d’antant: l’homme reflète l’image du chef, du protecteur et du leader politique. On parlera souvent du charisme d’un homme sans insister sur celui d’une femme alors qu’on s’arrêtera davantage sur sa tenue ou son pouvoir de séduction. Or, renvoyer une femme à son physique revient à lui dire qu’elle n’est pas à sa place en politique.

Belinda Stronach est régulièrement victime de remarques machistes de la part des hommes politiques. Belle et ambitieuse, ses talents en politique ne semblent pas intéresser ses homologues masculins qui l’insultent, en dénigrant ses connaissances en affaires et en économie.

«Certains des députés conservateurs ont eu une réaction punitive et sexiste envers Belinda Stronach, souligne Jackie Steele, candidate au doctorat en science politique à l’Université d’Ottawa. Si elle avait été un homme, elle ne se serait pas fait traitée de la façon dont elle l’a été. Lorsque Scott Brison a changé de parti pour ensuite accéder à un poste au Cabinet, il n’a pas eu à subir des attaques personnelles. Quand une femme joue la game mieux que les hommes, cela fait mal à l’ego.»

Objet de scandales, la femme politique est un instrument médiatique, un sujet de Une très attendu.

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D’autres affirment, encore aujourd’hui, que la politique est une seconde nature de l’homme mais qu’elle n’est absolument pas le propre de la femme. «On peut avoir des hommes et des femmes qui aiment jouer la game de la politique et je ne crois pas que cela soit lié au sexe. Peut-être que les femmes font de la politique pour influencer les lois alors que les hommes seront davantage tournés vers le goût du jeu.»

Depuis quelques années, le vent a semble-t-il tourné puisque les femmes prennent la tête de leurs États et s’affirment comme leader national. Selon Jackie Steele, de nombreuses mesures ou encore quotas ont été adoptés dans les années 90 pour encourager la participation des femmes – sauf en Amérique du Nord où il existe une résistance très forte et un conservatisme prononcé. La brève apparition de Kim Campbell au poste de première ministre du Canada ne peut masquer la mauvaise représentation des femmes en politique.

«En France, les politiques ont amendé la Constitution pour voter la loi sur la parité, explique-t-elle. C’est un grand changement politique. Maintenant Ségolène Royal est dans la course pour la présidentielle. Cela a eu un effet d’entraînement.»

Pourtant, la spécialiste en science politique nuance en soulignant que l’on ne peut parler de féminisation de la politique.

Sur la scène fédérale canadienne, le NPD (41% des députés sont des femmes) et le Bloc québécois (33% des députés sont des femmes) font figures de bons élèves. «Le NPD est le seul parti fédéral qui a adopté des mesures de discrimination positives car il suit des valeurs sociales-démocrates», précise Jackie Steele avant d’ajouter: «On perçoit également l’influence des valeurs égalitaires en contexte québécois. On compte 33% de femmes à l’Assemblée nationale du Québec mais cela est dû au fait que les femmes ont depuis longtemps investies les principaux partis politiques».

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À l’opposé, le Parti conservateur ne compte que 11% de députées et ne s’engage toujours pas activement pour promouvoir la place des femmes en politique. Les attaques contre Belinda Stronach seraient des exemples frappants. Toujours selon Jackie Steele, «on peut comprendre les attaques de Stephen Harper ou de MacKay contre Belinda Stronach car ils devaient s’attendre à ce qu’elle se soumette à la tutelle politique masculine. Son choix de quitter le parti a favorisé un ressac sexiste.»

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