Oui. Vous avez sans doute entendu bien des histoires sur le sujet. Celle (peut-être vraie) du gars qui pendant vingt ans arrive à la douane avec un sac de sable sur son porte-bagages de vélo. Chaque fois, on l’arrête, on vide son sac, on analyse, on pèse, passe au trémie, on garde un échantillon pour le laboratoire. On ne trouve rien. Jamais rien!
Le douanier et son suspect finissent par se connaître. Beaucoup plus tard, ils se retrouvent, en retraite tous les deux et en viennent aux confidences.
– Maintenant, dit le douanier, dites-moi franchement pourquoi vous passiez du sable à la frontière ?
– Je passais pas du sable, mais des vélos. Un neuf le matin et je revenais avec un vieux le soir. Par contre, toujours avec le même sac de sable.
Je pensais à cette histoire, et à d’autres, en arrivant à l’aéroport de Toronto, quand on m’a donné à remplir la fameuse carte de Déclaration de l’Agence des Douanes, avant de débarquer. Je n’ai jamais rien vu d’aussi inutile. On vous demande d’abord votre identité alors qu’elle figure déjà – nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance – sur le passeport que vous allez montrer au contrôle.
Il faut ensuite avouer le but de votre voyage. J’ai toujours envie de dire: Ça ne vous regarde pas. Mais allez donc vous mettre à plaisanter avec des gens qui sont recrutés pour leur absence d’humour! Je coche donc: business, puisque je n’étais pas allé pour «plaisir». Cela m’a valu un: Quelle sorte de business? Là, il faut expliquer, alors que le gouvernement s’en fiche comme de la première chemise de Harper. Comme du numéro du vol et de la compagnie!
Mais ce n’est pas tout, puisqu’on pousse la curiosité jusqu’à vous demander si vous n’apportez pas d’armes (un terroriste n’hésiterait pas à le déclarer s’il en avait!), d’animaux (un lapin dans votre sac à main!), d’insectes (avez-vous des puces ou des poux?), des vaccins (les médecins en ont toujours dans leur poche!), des boutures (les jardiniers ne s’en séparent jamais!), d’organismes vivants (petits microbes écopés dans un métro!), d’oiseaux (votre perroquet!) d’espèces en danger d’extinction (un ours blanc!), etc. La suite reste à votre imagination. Autant de questions dont la naïveté semble ahurissante.
Il n’y a pas si longtemps encore, le questionnaire américain du même genre comportait les deux questions importantes: Allez-vous aux États-Unis pour assassiner le Président? Avez-vous l’intention de vous prostituer? Il est évident que seul un pays resté fondamentalement protestant pouvait croire que personne ne serait capable de mentir au gouvernement.